
Éteindre la mèche qui faiblit ?
Témoignage de Marie-Hélène Martin, du Pôle Communication, « ancienne » de la Frat’Nationale.
Depuis mon adolescence, le Seigneur m’a régulièrement interpellée à travers l’injonction : « Ne mets pas ta lampe sous le boisseau. » Encore très récemment, un jeune homme débutant dans l’exercice des charismes, et qui priait pour moi, reçut cette motion : « Matthieu 5, 15 », sans savoir ce qu’il y avait sous cette référence : quand nous avons ouvert nos bibles, surprise pour moi de retrouver une nouvelle fois cet appel, surprise pour lui de se découvrir bon prophète ! Aussi ai-je été assez déconcertée de lire, un matin de l’été dernier, dans la prière des laudes, le poème de Patrice de la Tour du Pin qui commence par ces vers : « Mets ta lampe sur le boisseau / et tant mieux qu’elle s’éteigne ! » Comment se réjouir de voir la flamme vaciller et s’éteindre, elle qui a été allumée pour éclairer la maison ? N’est-ce pas à l’opposé de ce que le Seigneur demande à ses serviteurs, de rester en tenue de service et de garder les lampes allumées (Luc 12, 35) ? À l’opposé de ce qu’enseigne la parabole des dix vierges (Matthieu 25) : bien prendre garde de toujours avoir une bonne réserve d’huile pour entretenir le feu de la lampe, jusqu’au retour de l’Époux ? Et ne promet-il pas lui-même, citant Isaïe, de ne pas souffler la flamme qui vacille (Matthieu 12, 20) ? Faut-il accroître les ténèbres, comme si leur oppression n’était pas déjà assez insupportable ?
Et pourtant, ce poème trouvait en moi un écho et m’incitait à creuser l’intuition spirituelle qu’il recelait. C’était comme une inversion des pôles, un passage à travers le miroir, qui exigeait de regarder autrement cet appel que je n’avais cessé de recevoir au cours des ans. Il me fallait revisiter toute cette histoire, pour mieux comprendre comment cela avait ponctué des étapes de ma vie, et à quoi cela m’appelait pour aujourd’hui (et demain !).
Lorsque cette invitation à « ne pas mettre ma lampe sous le boisseau » m’a été adressée la première fois (je devais avoir 14-15 ans), la personne qui me dédiait cette phrase de l’Écriture lui donnait sans doute le sens d’un encouragement à sortir de ma chrysalide, à ne pas avoir peur de manifester mes talents, de « briller », non par vanité, mais parce qu’il n’est pas bien d’enfouir ses talents : ils nous ont été donnés pour que nous les fassions fructifier. La suite du texte de Matthieu est d’ailleurs explicite : « votre lumière doit briller devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux. »
Avec le temps, j’ai mieux compris que cette lumière dont j’étais dépositaire, qu’il ne fallait pas dissimuler mais au contraire exposer au plus grand nombre, ne représentait pas tant les dons personnels reçus de Dieu que la lumière de l’Évangile. C’est elle en effet qui donne tout son sens à nos paroles et nos actions, c’est elle qui doit transparaître à travers nos « bonnes œuvres », c’est cette bonne nouvelle qu’on veut propager ; comme l’explique Pierre au peuple après la guérison de l’infirme de la Belle Porte, c’est par la foi au Nom de Jésus que le miracle s’est accompli (Ac 3), et non grâce à un quelconque pouvoir personnel des disciples. Ainsi toutes les félicitations qu’on peut recevoir pour nos « bonnes œuvres » ne viennent pas flatter notre ego, mais conduisent à louer le Père qui est la source de toute lumière. Ne pas mettre ma lampe sous le boisseau, c’était alors me mettre au service de la Parole avec toutes les compétences qui étaient les miennes, et en m’efforçant de répondre aux appels de l’Esprit – périodiquement relancée par un « clin Dieu » qui remettait la formule sous mes yeux…
Mais voilà qu’après des années de « bons et loyaux services », comme on dit, je sentais la mèche raccourcir, et grandissait en moi le sentiment que le temps était venu de laisser la place à d’autres. Pourtant, il n’y a pas d’âge de la retraite dans les engagements qu’on prend avec le Seigneur ! Et les questions ne manquaient pas. Si j’avais perdu le goût du service, n’est-ce pas que la joie que j’y trouvais venait de ce que j’y mettais de moi ? N’était-ce pas « ma » lumière que je me plaisais à voir briller, plutôt que celle du Seigneur ? Involontairement, mais insensiblement, on a si tôt fait de « faire œuvre pour Dieu » au lieu de « faire l’œuvre de Dieu »… Dans ces conditions, n’était-il pas préférable que ma lampe s’éteigne ?
Et c’est à ce moment-là, alors que j’étais sur le point de me retirer effectivement de quelques engagements, que Patrice de la Tour du Pin m’a ouvert des perspectives nouvelles.
Mets ta lampe sur le boisseau,
Et tant mieux si tu n’as plus rien
À consumer même pour lui :
Dieu fournit le feu et le bois,
Alors tu brilleras en lui.
Ce sentiment de déperdition qui était le mien me signifiait que vient toujours le moment où se joue dans notre vie le mystère pascal. Si la Lumière du monde a été élevée sur le chandelier de la croix pour y mourir, avant de renaître dans la gloire qui ne s’éteint pas, comment ne pas accepter de devenir à notre tour une pure offrande, celle d’un serviteur quelconque qui doit diminuer pour que Lui grandisse (Jn 3, 30) ? Quand arrive « le feu du fondeur » (Malachie 3, 2), il reste à accepter d’être purifié comme l’or au creuset…
Et le jour où j’écris ce témoignage, devinez quelle parole est donnée le soir dans mon groupe de prière ? « Ne mets pas ta lumière sous le boisseau »…
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Merci pour ce témoignage, j’ai comme une impression qu’il me rejoint tout à fait. Rendons gloire à Dieu qui est toujours près denous et fidèle en tout ce qu’il fait.
Merci Seigneur