
Clés essentielles pour discerner
l’origine d’un phénomène surnaturel
Les critères de discernement
En cas de phénomènes surnaturels inexplicables par les sciences concernées (charismes, apparitions, miracles, etc.), l’Église se doit d’effectuer un discernement rigoureux pour écarter :
- les hallucinations,
- les phénomènes naturels,
- les supercheries,
- les fruits de la fantaisie et du désir de nouveauté,
- la mythomanie et les falsifications,
- les escroqueries,
- les manifestations diaboliques visant à tromper les fidèles,
et ne retenir que ce qui vient réellement de Dieu.
En effet, dans le domaine surnaturel, l’une des erreurs communes consiste à croire que puisqu’une chose fonctionne (channeling, reiki, leveur de feu, etc.), elle est bonne (d’origine divine). Cependant, Dieu et le diable agissent sur les plans naturels et surnaturels et peuvent procurer des capacités hors-norme à des humains. En effet, si les artifices du diable étaient sans effets – bien que superficiels et temporaires – personne ne s’y laisserait prendre.
Il convient donc de connaître les critères de discernement utilisés par l’Église catholique pour déterminer la provenance de chaque phénomène surnaturel. Et n’omettons pas de prier l’Esprit Saint afin qu’il nous éclaire en toutes choses.
Discerner un charisme :
Le mot “charisme” vient du grec charisma voulant dire “la grâce”.
Exemples de charismes : charismes de la parole (la prophétie, l’image, la prédication, l’exhortation), le parler en langue, charismes de guérison, charismes de discernement et d’interprétation, charismes de locutions et de visions, etc. (Détails.)
Lorsqu’ils sont authentiques et sont exercés de façon pleinement conforme à la charité, les charismes sont des grâces et des dons particuliers de l’Esprit Saint qui participent à l’édification de l’Église et au bien commun (contrairement aux vertus théologales ou aux sept dons de l’Esprit qui sont d’abord donnés aux personnes pour leur sanctification personnelle ou leur bien spirituel).Ils sont à accueillir avec reconnaissance par celui qui les reçoit et par tous les membres de l’Église, comme une grâce pour la vitalité apostolique et pour la sainteté de tout le Corps du Christ. Les Pasteurs de l’Église doivent tout éprouver pour retenir ce qui est bon, et ne pas d’éteindre l’Esprit. Les charismes concernent aussi bien l’Eglise dans son ensemble, que chaque fidèle en particulier. Toute l’Eglise est donc charismatique par nature.
“Extraordinaires ou simples et humbles, les charismes sont des grâces de l’Esprit Saint qui ont, directement ou indirectement, une utilité ecclésiale, ordonnés qu’ils sont à l’édification de l’Église, au bien des hommes et aux besoins du monde” (CEC §799)
“Les charismes sont à accueillir avec reconnaissance par celui qui les reçoit, mais aussi par tous les membres de l’Église. Ils sont, en effet, une merveilleuse richesse de grâce pour la vitalité apostolique et pour la sainteté de tout le Corps du Christ ; pourvu cependant qu’il s’agisse de dons qui proviennent véritablement de l’Esprit Saint et qu’ils soient exercés de façon pleinement conforme aux impulsions authentiques de ce même Esprit, c’est-à-dire selon la charité, vraie mesure des charismes (cf. 1 Co 13)” » (CEC §800)
“C’est dans ce sens qu’apparaît toujours nécessaire le discernement des charismes. Aucun charisme ne dispense de la référence et de la soumission aux Pasteurs de l’Église. “C’est à eux qu’il convient spécialement, non pas d’éteindre l’Esprit, mais de tout éprouver pour retenir ce qui est bon” (Constitution Dogmatique sur l’Église Lumen Gentium – LG –no 12), afin que tous les charismes coopèrent, dans leur diversité et leur complémentarité, au “bien commun” (1 Co 12, 7) (cf. LG no 30 et Christifideles Laici no 24)” (CEC §801)
Voici les grands critères de discernement – devant impérativement être cumulés – pour s’assurer de l’origine divine d’un charisme :
Les communications reçues doivent être conformes à la foi catholique et exemptes d’erreurs doctrinales et morales ;
- Le charisme doit produire des fruits spirituels abondants et constants (ex : conversions ; miracles confirmatifs durables), et une saine dévotion ;
- Les qualités morales de la personne qui reçoit le charisme sont avérées, dans le cas contraire l’événement provoque sa conversion. (“Si nous disons que nous sommes en communion avec [Dieu], alors que nous marchons dans les ténèbres, nous sommes des menteurs, nous ne faisons pas la vérité”, 1 Jn 1, 6) ;
- “Les dons extraordinaires ne doivent pas être témérairement recherchés” (cf. Lumen Gentium, 1964) par la personne qui en dispose, par exemple en vue d’être adulée. En effet, Satan offre volontiers des pouvoirs à ceux qui les recherchent, afin de les égarer en les aveuglant par l’orgueil (via le sentiment de supériorité par rapports à ceux qui n’ont pas ces pouvoirs/expériences) et de les éloigner de Dieu. Le charisme reçu peut disparaître à tout moment ;
- Le charisme ne doit pas servir les intérêts personnels de la personne qui le reçoit (gloire, enrichissement), mais l’unité et l’édification de l’Église. “C’est toujours pour le bien commun que le don de l’Esprit se manifeste dans un homme” (1 Co 12, 7).
Le cardinal Prospero Lambertini, futur pape Benoît XIV, écrit dans De Servorum Dei Beatificatione et Beatorum Canonizatione, Livre 3, chapitre 51 (1734) :
“Les visions et apparitions divines se reconnaissent :
– d’après la personne à laquelle elles arrivent,
– d’après le mode selon lequel elles ont eu lieu,
– et d’après les effets qu’elles produisent.
Si la personne qui les a éprouvées est remplie de vertus, s’il n’y a rien dans la vision ou apparition qui détourne de Dieu ; bien plus, si tout s’y rapporte au culte divin ; si, après les visions et apparitions, l’humilité, l’obéissance et les autres vertus chrétiennes, non-seulement persévèrent dans la personne qui les a éprouvées, mais s’élèvent à un degré plus sublime encore, il n’y a dès lors aucun moyen de douter de leur qualité surnaturelle et divine : De leur qualité surnaturelle et divine, il n’y aura aucun doute en aucune façon.”
Si la personne détentrice du charisme doute de son origine, il lui est conseillé de se mettre à genoux devant le Saint Sacrement (éventuellement avec un accompagnateur spirituel) et de prier ainsi : “Seigneur, si ce pouvoir ne vient pas de vous, faites-le disparaître pour toujours.”
Discerner un phénomène miraculeux :
Pour être authentifié, le phénomène doit réunir les critères suivants :
- la conformité du message avec la foi catholique ;
- les fruits spirituels durables de conversion ;
- la communion avec l’Église ;
- la cohérence entre messager(s) et message(s).
Discerner une guérison miraculeuse :
Pour être authentifiée, une guérison miraculeuse doit réunir les 7 critères fixés par le cardinal Prosper Lambertini (futur pape Benoît XIV) au XVIIIème siècle :
- Que la maladie soit grave, incurable ou de traitement aléatoire ;
- Que la maladie soit reconnue et répertoriée par la médecine ;
- Qu’aucun traitement n’ait été donné ou, si tel est le cas, que le traitement n’ait pu avoir d’action utile ;
- Que la guérison soit soudaine, obtenue en un instant ;
- Que la guérison soit parfaite (et non pas incomplète ou partielle) ;
- Que la guérison soit totale (et non pas une régression des symptômes) ;
- Que la guérison soit durable et que la maladie ne se reproduise pas.
→ Lire notre article sur Jakob Lorber pour découvrir un cas d’école de fraude spirituelle.
Les différents statuts que l’Église peut attribuer à un phénomène surnaturel présumé
De février 1978 à mai 2024
Le 25 février 1978, le Saint-Siège publie un document intitulé Normes procédurales pour le discernement des apparitions ou révélations présumées (Normae S. Congregationis pro doctrina fidei de modo procedendi in diudicandis praesumptis apparitionibus ac revelationibus ou Normae Congregationis ; préface+ note préliminaire) produit par la Congrégation pour la Doctrine de la foi, signé par le cardinal Franjo Šeper et Mgr Jean Jérôme Hamer, respectivement préfet et secrétaire de la congrégation, et approuvé par le pape Paul VI. Pendant 33 ans, ce document n’a été diffusé qu’auprès des évêques, et il fallut attendre le 14 décembre 2011 pour qu’il soit rendu public par le Saint-Siège.
Ce document liste trois statuts que l’Église peut donner à une apparition ou à une révélation surnaturelle présumée :
1. Constat de supernaturalitate : Des preuves démontrent que les faits sont surnaturels. (Exemples : Lourdes, Fatima.)
2. Constat de non-supernaturalitate : Des preuves démontrent que les faits ne sont pas surnaturels.
3. Non-constat de supernaturalitate : Aucune preuve ne démontre, à ce stade, le caractère surnaturel des faits. Les faits ne sont ni avalisés, ni invalidés, et l’Église n’a pas encore prononcé de constat.
Depuis mai 2024
Le 17 mai 2024, le Saint-Siège a publié un document intitulé Normes procédurales pour le discernement de phénomènes surnaturels présumésproduit par le Dicastère de la Doctrine de la foi, signé par le cardinal Victor Manuel Fernandez, le nouveau préfet du dicastère, et approuvé par le pape François.
Ce document remplace le précédent et liste six statuts que l’Église peut donner à un phénomène surnaturel présumé :
1. Nihil obstat(“rien ne s’y oppose”) : “Même si aucune certitude n’est exprimée quant à l’authenticité surnaturelle du phénomène, de nombreux signes d’une action de l’Esprit Saint au milieu d’une expérience spirituelle donnée sont reconnus, et aucun aspect particulièrement critique ou risqué n’a été détecté, du moins jusqu’à présent.”
2. Prae oculis habeatur(“à surveiller de très près”) : “Bien que des signes positifs importants soient reconnus, il y a aussi des éléments de confusion ou des risques possibles qui nécessitent de la part de l’évêque diocésain un discernement attentif et un dialogue avec les destinataires d’une expérience spirituelle donnée. S’il y a eu des écrits ou des messages, une clarification doctrinale peut être nécessaire.”
3. Curatur(“veille”) : “Plusieurs éléments critiques ou significatifs sont relevés, mais en même temps il y a déjà une large diffusion du phénomène et une présence de fruits spirituels liés à celui-ci et vérifiables. Une interdiction qui pourrait indisposer le Peuple de Dieu est déconseillée à cet égard. En tout état de cause, l’évêque diocésain est invité à ne pas encourager ce phénomène, à rechercher d’autres expressions de dévotion et, éventuellement, à en réorienter le profil spirituel et pastoral.”
4. Sub mandato(“sous mandat”) : “Les points critiques relevés ne sont pas liés au phénomène lui-même, qui est riche en éléments positifs, mais à une personne, une famille ou un groupe de personnes qui en font un usage abusif. Une expérience spirituelle est utilisée pour obtenir un avantage financier particulier et indu, en commettant des actes immoraux ou en menant une activité pastorale parallèle à celle déjà présente sur le territoire de l’Église, sans accepter les indications de l’Évêque diocésain. Dans ce cas, la direction pastorale du lieu spécifique où se produit le phénomène est confiée soit à l’Évêque diocésain, soit à une autre personne déléguée par le Saint-Siège, laquelle, si elle ne peut intervenir directement, s’efforcera de parvenir à un accord raisonnable.”
5. Prohibetur et obstruatur(“interdit et bloqué”) : “même en présence de requêtes légitimes et de quelques éléments positifs, les points critiques et les risques semblent sérieux. C’est pourquoi, afin d’éviter de nouvelles confusions ou même des scandales qui pourraient miner la foi des gens simples, le Dicastère demande à l’Évêque diocésain de déclarer publiquement que l’adhésion à ce phénomène n’est pas permise et, en même temps, d’offrir une catéchèse qui puisse aider à comprendre les raisons de la décision.”
6. Declaratio de non supernaturalitate(“déclaration de non surnaturalité”) : “l’évêque diocésain est autorisé [par le Vatican] à déclarer que le phénomène est reconnu comme non surnaturel. Cette décision doit être fondée sur des faits et des preuves concrètes et avérées. Par exemple, lorsqu’un voyant présumé affirme avoir menti, ou lorsque des témoins crédibles fournissent des éléments de jugement qui permettent de découvrir la falsification du phénomène, l’intention erronée ou la mythomanie.”
Observations sur les nouvelles normes procédurales pour le discernement
Depuis l’entrée en vigueur de ces six nouvelles normes procédurales pour le discernement de phénomènes surnaturels présumés, “il ne faut ordinairement pas attendre de l’autorité ecclésiastique une reconnaissance positive de l’origine divine de phénomènes surnaturels présumés” (cf. I. Orientations générales, A. Nature du discernement, §11), “ni l’Évêque diocésain, ni les Conférences épiscopales, ni le Dicastère, en règle générale, [ne sont plus en mesure de déclarer que des] phénomènes sont d’origine surnaturelle, même lorsqu’un Nihil obstat est accordé” (cf. I. Orientations générales, B. Conclusions, §23). Autrement dit, ils ne peuvent plus prononcer de “constat de surnaturalité” (constat de supernaturalitate). Seul “le Saint-Père peut autoriser une procédure à cet égard” (cf. I. Orientations générales, B. Conclusions, §23). “Il reste toutefois possible que le Saint-Père intervienne en autorisant, à titre tout à fait exceptionnel, une procédure pour une éventuelle déclaration du caractère surnaturel des événements : il s’agit en effet d’une exception, qui ne s’est d’ailleurs produite que dans de très rares cas au cours des derniers siècles.” (cf. Présentation, Nouveaux aspects)
Le Dicastère pour la Doctrine de la foi explique ce changement majeur par sa volonté de débloquer, efficacement et rapidement, des cas qui souvent s’enlisent et n’aboutissent pas :
“L’attente d’une déclaration sur le caractère surnaturel d’un événement n’a abouti que dans très peu de cas à une détermination claire. En fait, après 1950, pas plus de six cas ont été officiellement résolus, bien que les phénomènes se soient souvent développés sans orientation claire et avec l’implication de personnes de nombreux Diocèses. Il faut donc supposer que beaucoup d’autres cas ont été traités différemment ou n’ont pas été traités du tout.
Afin de ne pas retarder davantage la résolution d’un cas spécifique concernant un événement d’origine surnaturelle présumée, le Dicastère a récemment proposé au Saint-Père de mettre fin au discernement en la matière non par une déclaration de supernaturalitate, mais par un Nihil obstat, ce qui permettrait à l’Évêque de tirer un bénéfice pastoral de ce phénomène spirituel. Cette déclaration a été faite après avoir évalué les différents fruits spirituels et pastoraux et l’absence de caractère critique majeur de l’événement. Le Saint-Père a considéré cette proposition comme une “solution juste”.” (cf. Présentation, Motifs du remaniement des Normes)
Il est vraisemblable que ces nouvelles normes furent mises en place d’abord avec le cas de Medjugorje en tête qui attendait depuis longtemps un positionnement clair de l’Église face à l’affluence massive des pèlerins. Ainsi, il n’est pas surprenant que Medjugorje soit le premier cas à avoir bénéficié de ces nouveaux critères, moins de trois mois et demi (104 jours) après leur entrée en vigueur. (Medjugorje reçut le plus haut degré de reconnaissance possible sur l’échelle de ces six nouvelles normes.)
Edifiant.fr • Transmettre le meilleur
Soyez le premier à commenter