La Pentecôte est un envoi

(de Jean-Marie GAUDEUL, Père Blanc. Article de 1996, toujours d’actualité !)

Quelques années avant le Concile Vatican II, tous les catholiques furent invités par le Pape à réciter une prière spéciale. Paroisses, communautés et familles se mirent à dire quotidiennement :

“Refais en notre temps des merveilles
comme pour une nouvelle Pentecôte“.

Ceux qui ont vécu ces années-là se souviennent de l‘immense espoir, de la ferveur suscitée par cet événement qui semblait marquer le début d’une nouvelle relation entre l’Eglise et le monde. Un nouveau souffle missionnaire se fit sentir un peu partout. A cette attente, Dieu a répondu.

Des chrétiens cherchaient une nouvelle puissance pour se mettre plus efficacement au service de cette mission… C’est parmi eux que le Renouveau commença ! Des groupes de professeurs et d’étudiants désireux d’évangéliser le campus universitaire reçurent soudaine­ment l’effusion de l’Esprit… deux jeunes professeurs qui avaient prié quotidiennement l’Es­prit Saint pour être rendus capables de rayonner leur foi vécurent une nouvelle Pentecôte…

On connaît le reste. En bref, le Renouveau charismatique fit explosion dans les milieux qui s’offraient à la tâche missionnaire de l’Eglise. D’ailleurs, ces individus ou ces groupes ne soupçonnaient même pas qu’ils seraient appelés un jour “groupes de prière”. En réalité, après avoir reçu une nouvelle assurance, un nouveau dynamisme, ces chrétiens se mirent simplement à porter témoignage dans la vie courante, racontant à leurs amis et leurs proches ce qui leur était arrivé, au point de leur donner envie de recevoir la même grâce. Ce n’est que par accident, pour ainsi dire, qu’ils commencèrent aussi à se rencontrer fréquemment pour rendre grâces et pour se raconter les uns aux autres leurs nouvelles aventures.

Leurs réunions de prière étaient le fruit naturel de leur expérience cha­rismatique,
mais elles n’en étaient aucunement le but.

En cela, ils redécouvraient instinctivement l’état d’esprit des Apôtres le jour de la Pentecôte. Jésus, au moment de les quitter, leur avait dit : “Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem… et jusqu’aux extrémités de la terre” (Act 1,8).
Remarquons ces paroles de Jésus : vous serez alors mes témoins. L’Esprit leur est donné pour qu’ils soient témoins… et témoins jusqu’aux extrémités de la terre.

Le lien entre la mission et la Pentecôte est d’autant plus fort que Jésus, quelques lignes plus haut, leur enjoignit de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’y attendre ce que le Père avait promis… l’Esprit Saint (Act 1, 4). Autrement dit, il leur interdisait de partir en mission sans avoir reçu l’Esprit Saint.

La Pentecôte est donnée pour la mission.
La mission ne peut se faire sans Pentecôte.

Nous avons eu de la peine à nous trouver un nom qui veuille bien signifier ce que nous sommes dans l’Eglise ! Le premier nom qui fut utilisé naturellement dans les débuts du Renouveau était… Pentecôtiste. On se disait “catholique pentecôtiste” (1). Dans certains milieux de l’Eglise catholique, on trouva que cela “faisait trop secte” et prêtait à confusion avec les Eglises pentecôtistes… Il fallut trouver un autre nom. On adopta “Renouveau cha­rismatique”… mais “les charismes, ça faisait peur”, alors on se rabattit sur un nom plus vague : “Renouveau” tout court !

Par la suite, nous avons trop souvent accepté d’être appelés “groupes de prière” et d’être classés habituellement parmi les mouvements de spiritualité et dévotion… alors qu’au départ nous étions d’abord un engagement missionnaire.

Oui, il est bien normal et évangélique que le Renouveau draine ainsi la clientèle des “pauvres” pour leur offrir une bonne nouvelle. Que cette pauvreté soit matérielle, spirituelle, morale ou psychologique, l’Esprit de Jésus nous envoie bien répondre à leur attente.

Mais Jésus ne s’est jamais contenté de nourrir les foules ou de les guérir de leurs infirmités. De ceux qui le suivent uniquement pour cela, il exige un dépassement : “Travaillez non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle” (Jn 6,27)… et ses auditeurs ne s’y trompent pas qui lui demandent alors ce qu’ils “doivent faire pour travailler aux œuvres de Dieu”.

Si les Apôtres s’enferment dans la chambre haute pour y être assidus à la prière, c’est avant la venue de l’Esprit-Saint. Après, l’Esprit les pousse dans la rue et sur les chemins du monde : les Actes des Apôtres nous montrent le déploiement continu de cette mission sous la poussée de l’Esprit de Dieu.

Nos groupes ne sont fidèles à leur appel que s’ils entraînent leurs membres
dans ce mouvement de l’Esprit-Saint qui veut nous pousser au large.

Ceci peut avoir des conséquences très pratiques dans notre façon de gérer les activités d’un groupe du Renouveau :
– Comment préparons-nous les nouveaux venus à l’effusion de l’Esprit ? Nos sept semaines parlent de guérison, de conversion et c’ est bien. Mais la Pentecôte est donnée pour rayonner la Bonne Nouvelle. Cet objectif est-il annoncé dans notre présentation de l’effusion ? Avertissons-nous les participants qu’ils ne peuvent espérer recevoir la puissance de l ‘Esprit Saint que s’ils acceptent de se laisser envoyer aux autres ? Nous arrive-t-il de prier pour “l’effusion” avec des personnes qui refusent de se laisser déranger par le Seigneur ?

Si quelqu’un ne donne pas carte blanche au Seigneur pour se laisser re­nouveler et envoyer aux autres, il pourra peut-être ressentir quelques frissons de dévotion confite, mais il n’aura pas reçu la grâce d’une nouvelle Pentecôte et nous ne devons pas laisser nos frères dans l’illusion sur ce point.

– Présentons-nous les charismes comme des outils de travail pour la mission ? Ils ne sont pas une panoplie à porter pour nous faire valoir ! ils ne sont donnés à quelqu’un que dans la mesure où il se laisse porter aux autres : Dieu donne des dons de sagesse, de discernement, de gué­rison… dans la mesure où nous acceptons d’aider des gens qui ont besoin de ces dons. Le cha­rismatique se laisse traverser par des dons qui sont, en fait, destinés à d’autres. S’il ne veut pas rencontrer les autres, il ne recevra aucun charisme.

En nous appelant à la mission,
l’Esprit Saint nous préservera de ronronner pieuse­ment.
Accepterons-nous ?

Pour aller plus loin en noyau : Quand je parle de la grâce du Renouveau dans le groupe de prière, quelle place est-ce que je fais à la mission, à l’annonce du Royaume ? Cet article m’apporte-t-il un éclairage différent ? Lequel ? “Relire” le contenu de la préparation à l’effusion de l’Esprit proposée dans notre groupe : en dégager les principaux éléments. Le lien entre mission et Pentecôte est-il présent ? Sommes-nous attentifs à la disponibilité des personnes à se laisser envoyer ? “Les charismes ne sont donnés à quelqu’un que dans la mesure où il se laisse porter aux autres” : ne mettons-nous pas la charrue avant les bœufs ? attendant les charismes pour partir en mission alors que c’est la disponibilité à la mission qui sera ouverture aux charismes ? Quels moyens voyons-nous pour retrouver ou développer cette orientation de la mission et du témoignage dans nos “assemblées de prière” ?