LE REPENTIR, par le Père Roger TELLE

Extrait du livre La lampe de mes pas du Père Roger Telle

Prêtre du diocèse d’Arras. Curé de Wimereux jusqu’en 2009. Depuis septembre 2009, il assure régulièrement une présence sacerdotale au Foyer de Courset.

Il est délégué épiscopal d’Arras, pour le Renouveau Charismatique. Pour ceux qui ne le connaissent pas, voici un lien qui permet de le découvrir :

https://www.lesfoyersdecharite.com/predicateur/name/pere-roger-telle-456/

En ce moment où l’humanité est confrontée à la pandémie due au Coronavirus, des Chrétiens crient vers Dieu à ce sujet. Beaucoup vont être touchés par ce texte, et comprendront qu’il est vraiment d’actualité.

Le repentir

  • “La repentance qui conduit à la vie” (Ac 11,18)

Cherchons à approfondir davantage la signification du repentir. Dans la vie courante de l’Église catholique on est peu habitué à parler de repentir – ou de repentance – du moins en France. On parle plutôt de confession, de pénitence et de contrition, ou de réconciliation. Or le repentir a une signification plus large que la confession qui désigne un acte sacramentel précis. Le repentir est une attitude générale, une disposition d’esprit, vis-à-vis des fautes commises et devant celui qui en a été offensé, Dieu et (ou) le prochain. Et nous devons être tous des repentants puisque nous sommes tous pécheurs et que Dieu appelle tous les hommes au repentir. Le repentir doit donc être une attitude familière, connue et aimée des chrétiens. Le repentir est une disposition du cœur. Il est déjà présent dans l’Ancien Testament et il est profondément au cœur de l’Évangile. L’annonce de l’Évangile du Christ et du Royaume de Dieu s’accompagne toujours de l’invitation au repentir. Un chrétien doit être prompt au repentir quand celui-ci est nécessaire. Le repentir n’a pas lieu une seule fois, quand on se convertit, il est une attitude qui accompagne notre vie chrétienne. On appelle parfois ce repentir renouvelé, la seconde conversion.

Le repentir est salutaire mais il est difficile aussi. Le repentir authentique, le repentir selon l’Évangile, comporte toujours un acte de vérité. Or la vérité fait peur aux pécheurs, surtout quand elle n’est pas à leur honneur. On a peur de se reconnaître fautif. Regardez par exemple comme des nations entières ont du mal à reconnaître les fautes de leurs ancêtres, qui sont des taches dans leur histoire. C’est qu’elles sont fières d’elles-mêmes et souvent magnifient leur histoire nationale. En France, pas de reconnaissance officielle de la réalité et de l’ampleur des massacres de la Révolution de 1789, ceux de la persécution générale et surtout ceux de Vendée, perpétrés par les « colonnes infernales ». Les politiques déclarent qu’il n’y a jamais eu de génocide en France, les manuels scolaires y font à peine ou pas du tout allusion. Cela amoindrirait l’histoire officielle et le mythe de la révolution fondatrice perdrait de son éclat. La Russie a eu du mal à reconnaître le massacre des officiers polonais à Katyn et l’a longtemps attribué aux allemands. La Turquie actuelle ne reconnaît toujours pas le génocide des arméniens. Il ne s’agit pas de grossir la responsabilité des uns ou des autres, il s’agit de reconnaître la vérité. Et ces refus de la vérité sont des obstacles au progrès moral car ils chargent la mémoire collective du mensonge. L’Évangile nous dit une vérité universelle : « Celui qui fait la vérité vient à la lumière ». Et le repentir est un acte de vérité.

Jean Paul II a souvent parlé du repentir lors de ses voyages et y a invité tous les catholiques, surtout pour l’entrée dans le troisième millénaire. Il voulait tellement qu’on aborde le troisième millénaire purifié des fautes du passé, dans la clarté et la lumière, et il appelait l’Église entière à se repentir des fautes de ses membres au travers des siècles, comme les abus et violences de l’Inquisition, des croisades, de l’esclavage, etc… (cf.  « Quand le pape demande pardon » De Luigi Accatoli. Albin Michel 1997. Jean Paul II a demandé pardon une centaine de fois lors de ses voyages.)

C’était pour lui la condition d’un progrès, d’une ouverture à la grâce de Dieu. Prenons l’exemple des fautes envers le peuple juif. Lors d’un voyage en Israël, j’ai visité le Musée de la Diaspora à Tel-Aviv. Sur plusieurs étages on y raconte, cartes et documents à l’appui, les diverses pérégrinations et tribulations des juifs dispersés dans le monde entier, depuis la chute du premier temple en 587 av. J.C, jusqu’à aujourd’hui. J’y fus particulièrement sensible à la situation des communautés juives dans les pays chrétiens. La plupart du temps les juifs y ont été discriminés et persécutés, parfois avec violence, et parfois même mis devant le choix du baptême, ou de l’exil ou de la mort. Je découvrais des faits historiques souvent ignorés par les chrétiens, une longue histoire de relations cauchemardesques entre les juifs et les Églises. Devant cet antisémitisme séculaire, cet aveuglement et cette haine répétée chez des chrétiens, j’étais atterré et bouleversé. Je sortis en pleurant et me demandant comment cette montagne de péchés pourrait être effacée devant Dieu et devant les hommes. Je sentais que des paroles des prophètes comme celles-ci, s’appliquaient à l’Église :

  • “Des choses horribles, abominables, se passent dans ce pays » (Je 5, 30), ou : « Si nos fautes parlent contre nous, agis, Yahve, pour l’honneur de ton Nom ! Oui, nombreuses furent nos rébellions, nous avons péché contre toi » (Je 14,17). J’étais profondément convaincu de la malignité des péchés de membres de l’Église dans des portions importantes, de l’infidélité criante envers Dieu. Et je pensais : que faire maintenant pour être pardonné devant Dieu et montrer le vrai visage de Jésus à nos frères juifs ? L’Église a souvent suivi la voie de la supériorité, et parfois encouragé celle du glaive, au lieu de suivre la voie de l’humble Agneau immolé qui donne sa vie. On présentait la croix aux juifs attachés sur le bûcher… aussi la croix est devenue pour eux le symbole de la haine, et Jésus a été vu par eux comme leur pire ennemi ! Dans la première génération de l’Église, les juifs ont persécuté les chrétiens, mais ensuite, et bien plus longuement, les chrétiens ont persécuté les juifs. Je compris alors que cela avait été une cause de « blocage spirituel » pour l’Église, une fermeture à la grâce de Dieu et une tache pas encore totalement effacée. Je compris aussi l’importance du repentir devant Dieu et envers les juifs, comme nous l’a montré Jean Paul II, lors du jubilé de l’an 2000, et dans sa prière au mur des lamentations à Jérusalem. Seul le repentir peut nous obtenir la grâce de sortir de la captivité du péché et de créer de nouvelles relations avec nos frères juifs. Seul le repentir peut renverser de profondes barrières spirituelles, il est toujours un premier pas vers un Renouveau. Le repentir brise une puissance de mal et ouvre une porte pour la bénédiction.

Ce qui est vrai vis-à-vis des juifs l’est envers tous et également dans nos rapports personnels. Le repentir est toujours la porte de la grâce. Il nous réconcilie avec Dieu et avec nos frères offensés. Il ouvre de nouvelles possibilités. Le repentir conduit à la vie.

L’Évangile et l’appel au repentir.

Les Évangiles et les Actes des Apôtres nous apprennent que la prédication de la Bonne Nouvelle de la venue du règne de Dieu par Jésus Christ lui-même, et ensuite par les Apôtres et Évangélistes, s’accompagnait toujours de l’appel au repentir et à la foi en cette Bonne Nouvelle :

“Jésus vint en Galilée, proclamant l’Évangile de Dieu et disant : Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à l’Évangile (Mc 1,15).

Et quand il envoie ses apôtres en mission, ceux-ci annoncent également le Royaume de Dieu et le repentir : « Étant partis, ils prêchèrent qu’on se repentît » (Mc 6,12). Annonce du royaume de Dieu et appel au repentir vont ensemble. Là où le royaume de Dieu est proclamé, là aussi le repentir est annoncé comme condition pour y entrer. La repentance est en effet l’attitude adéquate pour l’accueil du salut, elle est nécessaire à tous et partout, comme le dit l’Écriture :

  • “voici que, fermant les yeux sur les temps de l’ignorance, Dieu fait maintenant savoir aux hommes d’avoir tous et partout à se repentir, parce qu’il a fixé un jour pour juger l’univers avec justice, par un homme qu’il y a destiné ” (Ac 17,30-31).

La repentance est au cœur de l’Évangile et du message de Jésus et des apôtres. L’absence de repentir ferme à la grâce : « il se mit à invectiver contre les villes qui avaient vu ses plus nombreux miracles mais n’avaient pas fait pénitence. “Malheur à toi, Chorazeïn ! Malheur à toi, Bethsaïde ! Car si les miracles qui ont eu lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon, il y a longtemps que, sous le sac et dans la cendre, elles se seraient repenties » (Mt 11,21-22). Car le repentir ouvre la porte du cœur par laquelle la puissance de l’Évangile peut venir jusqu’à nous.

Il est donc fondamental et doit être au cœur de la vie de l’Église. Mais comment le sera-t-il ?

Le plus souvent le repentir n’est pas une attitude familière. Les gens ne voient pas clairement qu’ils sont pécheurs, même ceux qui fréquentent l’Église. Ils se pensent justes et estiment n’avoir nul besoin du repentir et ce n’est pas mauvaise volonté de leur part. Comme dit le psaume : « ils se voient d’un œil trop flatteur pour trouver et haïr leurs fautes. Ils ont perdu le sens du bien ». Ils ont pourtant une conscience mais son reproche est atténué et obscurci, il est peu perçu, par suite de l’accoutumance au péché, de l’endurcissement des cœurs et d’un environnement qui méconnaît le repentir. Souvent ils manquent d’être éclairés par leurs guides. Ils sont éteints spirituellement et ne le voient pas par l’habitude d’une âme sans vie. Qu’est-ce qui pourra leur ouvrir les yeux ? C’est quand la Parole de Dieu est annoncée que vient la lumière de la vérité et que le Saint Esprit éclaire les esprits et convainc de péché en vue du repentir.

Mais, de plus, nous devons reconnaître que le repentir est peu prêché de nos jours dans la vie courante de l’Église malgré les invitations à la contrition et à la confession. Pourquoi ? Alors que le mot repentir devrait être tenu en haute considération dans notre Église, comme il l’est dans le ciel, puisque les anges se réjouissent pour un seul pécheur qui se repent. Qu’est-ce donc que le repentir pour qu’il déclenche une telle joie dans le ciel ? Quelle est donc cette disposition d’esprit qui ouvre au pécheur le royaume de Dieu qui lui était fermé ?

Ce qu’est le repentir

Écartons ce avec quoi on peut le confondre. Le repentir n’est pas le regret. Il est plus que le regret. Le regret est un sentiment positif, mais souvent un sentiment assez léger. Celui qui regrette va dire « je suis désolé », peut-être présentera-t-il ses excuses. On regrette d’avoir fait un geste maladroit ou une erreur ou d’avoir mal parlé ou mal agi mais on n’en est pas profondément affecté, on passe vite, on n’en demande pas pardon. On est désolé envers soi-même, on regrette ce qu’on a fait pour soi- même et pour d’autres, mais on ne regrette pas devant Dieu. Ainsi Caïn regrette d’avoir tué son frère Abel, il en regrette les mauvaises conséquences pour lui-même, plus que son geste homicide ainsi que le mal causé à Dieu le donateur de la vie. Il n’en demande pas pardon. Le regret reste tourné vers lui-même.

Le repentir n’est pas non plus le remord. Le remord exprime un sentiment plus fort que le regret. Il est une tristesse et un tourment de l’âme où l’on ressent la gravité de son acte, de ce qu’on a fait aux autres. Mais celui qui a du remord reste encore replié sur lui-même. Il ne voit que son mal et il est sans espoir. Le remord déplore le mal commis envers d’autres mais n’envisage pas de rachat. Il n’est pas centré sur Dieu. St Paul l’appelle la tristesse selon le monde”. Ainsi Judas est pris de remord, et il va se pendre. Il ne demande pas pardon à Dieu. Le remord n’est pas encore le repentir.

Le repentir n’est pas la peur. Que de gens alarmés par un grand danger ont eu peur et ont crié à Dieu pour ensuite, une fois le danger passé, ne lui laisser aucune place dans leur vie et continuer dans leur péché. Ils ne se sont pas repentis. Le repentir n’est pas non plus une émotion spéciale. Certains pensent qu’il faut une émotion particulière pour se repentir. D’autres pensent que se repentir c’est se mortifier, jeûner, faire des pénitences, mais on peut faire cela sans se repentir. On ne peut payer les péchés de son âme par les douleurs de la chair.

Le repentir est un sentiment éprouvé devant Dieu, envers Dieu d’abord, et ensuite devant ceux que l’on a offensés. On est confus du mal commis, et affecté devant Dieu, on se sent coupable envers lui et on lui demande pardon de l’avoir offensé, d’avoir méprisé ses commandements, d’avoir abîmé ou pollué sa création, d’avoir provoqué sa colère, on sait qu’on mérite son jugement et on demande humblement son pardon. On veut résolument changer. Le repentir est un retournement complet. Comme l’homme qui marche vers le bord de la falaise en lisant son journal et qui entend un cri : attention ! prend conscience du danger et immédiatement fait demi tour. On veut également réparer ce qui est réparable. Le repentir contient de l’espérance. Il espère le pardon. Souvent le vrai repentant éprouve d’abord de la tristesse, il a le cœur brisé, il pleure et se soumet humblement à Dieu. Il désire ardemment son pardon et l’implore en plaidant coupable. Il s’en remet au jugement de Dieu. St Paul l’appelle « la tristesse selon Dieu ». Il écrit aux corinthiens :

  • “Vous avez été attristés, mais cette tristesse vous a portés au repentir. Car vous avez été attristés selon Dieu, en sorte que vous n’avez, de notre part, subi aucun dommage. La tristesse selon Dieu produit en effet un repentir salutaire qu’on ne regrette pas ; la tristesse du monde, elle, produit la mort . (2 Co 7,9-10)

Le repentir est donc une disposition d’esprit envers Dieu. Un repentant est quelqu’un qui a réalisé son état de collusion et de complicité avec le mal, sa malignité et son opposition à Dieu, qui s’est vu perdu, digne d’être condamné et séparé de Dieu, et qui, le cœur brisé, s’est tourné vers Dieu avec humilité pour en sortir, dans l’espoir d’être pardonné. Il s’agit souvent de se repentir d’une vie préalable sans Dieu et loin de lui et finalement d’une opposition au vrai Dieu, d’une désobéissance foncière. (Le catéchisme de l’Église catholique l’appelle pénitence intérieure : « La pénitence intérieure est une réorientation radicale de toute la vie, un retour, une conversion vers Dieu de tout notre cœur, une cessation du péché, une aversion du mal, avec une répugnance envers les mauvaises actions que nous avons commises. En même temps, elle comporte le désir et la résolution de changer de vie avec l’espérance de la miséricorde divine et la confiance en l’aide de sa grâce. Cette conversion du cœur est accompagnée d’une douleur et d’une tristesse salutaires » (CEC n° 1431))

Se repentir n’est pas « faire pénitence ». Ce n’est pas faire des efforts, des privations, des sacrifices. Cela ne peut calmer “l’insolence de la chair”, comme le dit l’apôtre Paul. La repentance doit être dans les cœurs. La repentance n’est pas un rite : reconnaître globalement que l’on est pécheur et réciter une prière de pénitence, comme le Je confesse à Dieu. C’est un changement de l’état du cœur, c’est un brisement du cœur, une confusion et une attente. C’est plaider coupable le cœur brisé, et parfois dans les larmes, et s’en remettre humblement au jugement de Dieu. Se repentir c’est se décider tout de suite de se soumettre à Dieu tel que l’on est, dans l’état présent de son cœur : je ramasse toutes mes forces et je viens à Dieu en plaidant coupable, sans excuse ni atténuation, m’en remettant à son jugement, à Dieu.

Plusieurs passages de la Bible expriment le repentir devant sa promesse de miséricorde pour le pécheur qui vient à lui, en comptant sur le Christ qui a porté mes péchés.

Le psaume 51, le miserere, que nous connaissons bien : « Pitié pour moi, Dieu, en ta bonté, en ta grande tendresse efface mon péché, lave-moi tout entier de mon mal et de ma faute purifie-moi. …. contre toi, toi seul, j’ai péché, ce qui est coupable à tes yeux, je l’ai fait… »

  • “Si nos fautes parlent contre nous, agis, Seigneur, pour l’honneur de ton Nom ! Oui, nombreuses furent nos rébellions, nous avons péché contre toi (Je 14,17).

  • “Que le méchant abandonne sa voie et l’homme criminel ses pensées, qu’il revienne à Yahve qui aura pitié de lui, à notre Dieu car il est riche en pardon”. (Is 55).

Le plus beau texte est celui de la parabole du fils prodigue (Lc 15). Jésus y montre le repentir du fils, qui est celui du pécheur envers Dieu : « Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils », et qui montre également la réponse miséricordieuse du Père.

La confusion du pécheur

Le pécheur non encore repenti est dans la confusion intérieure par rapport au péché. Il n’est pas en paix. Il y a en lui une opposition permanente entre sa conscience et son cœur. En effet son cœur approuve et affectionne le péché alors que sa conscience le désapprouve. Il cherche alors à ignorer la voix de sa conscience et à se persuader que son péché n’est pas péché ou l’est si peu. Il n’est pas au clair avec le bien et le mal, il est dans les ténèbres. Il cherche à se persuader tantôt que le péché est comme un bien défendu, alors que sa conscience lui dit qu’il est un mal, et tantôt qu’il n’en est pas responsable ou si peu. Pour lui le péché serait un bien, non un mal ; un bien interdit par Dieu, mais, pour lui, un bien quand même. Son cœur encore mauvais approuve son péché. Il dit encore je n’ai pas fait de péché”. Par exemple il se dit : « je fais bien de ne pas tout déclarer au fisc car l’État est un voleur ». La première lettre de St Jean exprime bien cette confusion intérieure en disant que le pécheur s’abuse lui-même : « Si nous disons : “Nous n’avons pas de péché”, nous nous abusons, la vérité n’est pas en nous… Si nous disons : “Nous n’avons pas péché”, nous faisons de lui un menteur, et sa parole n’est pas en nous » (1 Jn 1,8-9). Ses pensées sur le péché ne sont ni claires ni justes, parce qu’influencées par son cœur non purifié qui aime toujours le mal et se justifie. Il est dans la confusion des pensées et des sentiments. La Bible dit « il est dans les ténèbres ». Ses sentiments envers le péché sont également mauvais car il affectionne son péché. Il est dans la confusion des sentiments. La lumière de la vérité n’est pas en lui, et par suite, la grâce n’a pas accès à son cœur. Il est insatisfait car, comme le dit la Bible “la colère de Dieu pèse sur lui”, sur sa conscience (Is 12,1 trad.lit.)

Le repentir en pensées, en paroles et en actes

Chez le vrai repentant les pensées et les sentiments envers le péché ont changé. Auparavant il voyait le péché comme un bien, un bien défendu mais un bien quand même, et il éprouvait de l’attirance pour le péché, il l’aimait. Maintenant son cœur approuve sa conscience et il voit son péché comme un mal, et il le dénonce et le déteste car il en ressent toute la malignité et l’effet destructeur. C’est que sa conscience s’est éclairée et l’état de son cœur a changé. Il est sorti de la confusion, il a accueilli la lumière. Son cœur commence à s’ouvrir à la grâce, il sort des ténèbres. Ses sentiments changent aussi et il commence à aimer Dieu et les choses de Dieu, il commence à aimer la vérité, à « faire la vérité », comme dit St Jean. Il commence à voir, à reconnaître le péché comme péché et il commence à s’accuser lui-même et à détester son péché. Il commence à voir que son péché le met sous la colère de Dieu et mérite son jugement. Il est dans la vérité et il dit : « j’ai péché », j’ai commis le mal. Sa conscience et son cœur sont maintenant en accord pour dénoncer le mal, s’en séparer, reconnaître sa responsabilité et vouloir un changement pour le bien. Le vrai repentir produit une cœur ingénu, ouvert et franc. Le vrai repentant n’a pas honte de reconnaître publiquement son péché quand il le faut. Il le fait volontiers.

Le repentant sort de la confusion, il commence à voir son péché comme Dieu le voit. Son appréciation a changé. Il le voyait comme léger, et voulait se justifier et diminuer au maximum sa responsabilité. Son esprit n’était pas éclairé sur lui-même. Il ne voyait pas la vérité, il était encore dans la confusion. Le repentant lui, est convaincu et s’accuse lui-même. Il est travaillé par le Saint Esprit qui le convainc de péché et il voit sa culpabilité, il est dans la lumière. Il voit que Dieu est meilleur qu’il ne pensait et que lui-même est pire qu’il ne pensait. Une vue élevée de Dieu entraîne toujours une vue humble de soi-même. Il se sait pécheur, il en est convaincu. Il se place du côté de Dieu pour s’accuser lui-même. Il agrée son verdict et, ce faisant, il montre qu’il est déjà dans la lumière de Dieu. Son pardon est alors bien proche.

La confession des péchés est une part importante du repentir. Le pécheur impénitent ne confesse pas son péché puisqu’il ne le reconnaît pas clairement comme péché. En même temps il aurait peur que son péché paraisse à la lumière et il dit « Je n’ai pas de péché ». Cela est contradictoire et montre qu’il n’est pas au clair et le ressent quand même comme un mal. Comme dit l’Évangile « il ne vient pas à la lumière de peur que son péché soit connu ». Il cache et excuse ses actes. C’est donc qu’il les sait mauvais. Par contre il est prompt à accuser les autres, à mettre la responsabilité de ses actes sur l’éducation reçue, sur l’influence de ses maîtres, ou sur n’importe qui, bref il est prompt à se disculper. Au contraire le repentant fait venir son péché à la lumière, il confesse son péché, il plaide coupable. Il dit comme David : « Ma faute, je te l’ai fait connaître, je n’ai point caché mon tort ; j’ai dit : J’irai à Yahve. Confesser mon péché » (Ps 32,5). Il est bon de nommer ses péchés et de les dire au confesseur ou à un frère. La confession amène la guérison du cœur. Et Satan n’a plus de prise pour accuser les péchés confessés.

Le repentir authentique doit aussi se traduire en actes. Puisque maintenant le repentant déteste le péché, il veut réparer ce qui peut l’être de ses fautes, pour rendre justice à autrui et pour en être libéré et trouver la paix. Dans l’Évangile nous voyons cela chez Zachée qui s’avance et déclare : « je vais rendre quatre fois plus à celui à qui j’ai fait du tort ». La réparation met un point final sur le passé et apporte le soulagement.

C’est déjà vrai dans les relations humaines quand il y a réparation des offenses ou des torts causés. C’est vrai dans l’ordre spirituel et Satan ne peut plus trouver prise en lui pour l’accuser. Des repentants ont refait leur déclaration d’impôt qui était fausse ou incomplète, d’autres ont rendu les biens d’autrui injustement conservés (même de simples livres), d’autres encore ont payé leur dette, d’autres ont demandé pardon… et tous ont été alors libérés et restaurés en leur âme. Ils ont trouvé la paix. Lors d’un héritage un homme avait été lésé par son père au profit de son frère. Il fut longtemps en colère contre son père et son frère. Finalement, repenti de sa colère, il a pardonné à son père défunt et a pu dire à son frère qu’il était content que celui ait hérité. Il est juste de réparer, même les petites choses, alors le repentir est pleinement accompli. Comme cette femme qui avait volé une broche de 5 euros et l’a rendue, ou cette jeune fille qui est allé rendre les livres du lycée qu’elle avait conservés. Quand une réparation est faite la libération du péché est complète et le diable n’a plus matière à nous accuser. Le Lévitique invite même à majorer la restitution, à propos d’un bien mal acquis : « il devra restituer ce qu’il a retiré ou exigé en trop : le dépôt qui lui fut confié, l’objet perdu qu’il a trouvé…En le majorant d’un cinquième » (Lv 5,23-24). Le repentir doit mener à la sainteté. Il est juste de corriger le passé mais on ne peut pas tout corriger. Et puis il y a parfois des fautes qu’il vaut mieux ne pas avouer à celui qui a été offensé, car cet aveu produirait plus de mal que de bien. Il faut de la sagesse et les conseils d’un homme éclairé.

La porte du ciel

Depuis la venue de Jean Baptiste sur les bords du Jourdain la joyeuse proclamation a retenti : « repentez-vous car le royaume des cieux est proche ». Le royaume des cieux c’est la reprise en main par Dieu des hommes captifs du péché et donc loin de Dieu. Avec l’arrivée du royaume l’heure de la délivrance du péché est venue. Pour ceux qui étaient dans la captivité du péché depuis longtemps voici que les chaînes tombent et qu’une porte s’ouvre. Les cieux s’ouvrent. La paix du royaume et sa justice, sa joie et la liberté sont offertes aux hommes. Dans les Évangiles apparaît donc en pleine lumière l’appel de Dieu : tous les hommes sont invités à entrer dans le royaume de Dieu par la foi en Jésus et par le repentir. C’est une vérité fondamentale : « la repentance mène à la vie » (Ac 11,18). En avons-nous bien conscience ?

Tous les obstacles à la vie spirituelle, dans le monde comme dans l’Église viennent du péché. Isaïe l’avait déjà proclamé : « Non, la main de Yahve n’est pas trop courte pour sauver, ni son oreille trop dure pour entendre. Mais ce sont vos fautes qui ont creusé un abîme entre vous et votre Dieu. Vos péchés ont fait qu’il vous cache sa face et refuse de vous entendre » (Is 59,1). Ôtez l’obstacle et la grâce offerte est reçue. Le repentir ôte l’obstacle. Donc repentez-vous et vous recevrez le secours de Dieu et vous goûterez la liberté et l’amour de Dieu. Jésus pourra venir dans votre cœur. Le repentir est la porte du ciel, la porte de la liberté et de la grâce, il fait venir la joyeuse lumière. Il est le début d’un renouveau possible, d’une lumière retrouvée. Le royaume de Dieu vient à nous par la porte du repentir.

Cette disposition du cœur est nécessaire au salut, l’Écriture le proclame. « Un rédempteur viendra pour Sion, Pour ceux de Jacob qui se convertiront de leurs péchés, dit l’Éternel » (Is 59,20). Voyez combien le repentir est précieux et source de la plus grande joie et par conséquent combien nous devons l’aimer et le désirer. Le repentir doit être tenu en considération dans l’Église. Un ami de Dieu disait : « L’hôpital du repentir est ouvert à toutes les maladies morales : venez, hâtons-nous d’y aller, et d’y prendre de la vigueur pour nos âmes. C’est dans le repentir que la pécheresse a retrouvé la santé, que Pierre a été délivré de son reniement, que David a mis fin à la souffrance de son cœur, en lui que les ninivites ont été guéris. N’hésitons donc pas, levons-nous, montrons notre blessure au Sauveur et laissons-nous panser. Car il surpasse tout désir dans l’accueil qu’il fait à notre repentir. Jamais aucun honoraire n’est exigé d’un seul de ceux qui vont à lui, car ils ne pourraient offrir un cadeau de même valeur que la cure. Ils ont retrouvé la santé gratuitement, mais ils ont donné ce qu’ils pouvaient donner : au lieu de cadeaux, des larmes… » (Romanos le Mélode, Hymne « Ninive », SC 99, cité en Parole et Prière, n° 88, octobre 2017, p 192.)

Et quand le repentant est pardonné il est plein de reconnaissance et sa joie éclate. Un chant joyeux jaillit de son cœur. Comment la joie ne jaillirait-elle pas quand vient la délivrance de la captivité du péché, quand le long hiver de l’âme prend fin, quand brillent à nouveau la lumière et l’amour de Dieu, quand l’âme est restaurée et retrouve la communion avec son Dieu ? C’est la joie que le Christ répandait autour de lui, une joie venue de Dieu.

 

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