Le repos dans l’Esprit

LE REPOS DANS L’ESPRIT

(Article publié en 2021 par Charis et sa Commission Doctrinale)

Qu’est-ce que le repos dans l’Esprit ? Devrait-il être un souci pour les responsables du Renouveau ? Dans cette réponse, je fais part de mon expérience de responsable du Renouveau et mes réflexions en tant que théologien. Ces commentaires s’appliquent à tout phénomène inhabituel, et le repos dans l’Esprit est le plus courant.

J’en ai fait l’expérience, et beaucoup d’autres avec moi : lorsque nous prions dans la foi pour recevoir plus profondément le Saint-Esprit, des choses étonnantes peuvent se produire, et des personnes éclater de rire, pleurer ou grogner. Ce sont des réponses humaines naturelles à la puissante présence du Saint-Esprit et à ses grâces. Au cours des années, j’ai constaté qu’il y a chez certains des blessures profondes, même chez ceux qui en surface paraissent d’excellents et solides catholiques. Je me souviens d’un responsable organisateur d’une conférence qui commença à pleurer ; il s’avéra que cette personne avait été sérieusement maltraitée dans son enfance. Ce souvenir pénible avait été repoussé pendant des années. De nos jours de plus en plus de gens viennent de familles séparées avec peu ou aucune expérience de parents aimants. Certains ont appris à s’accommoder de la vie, d’autres pas. Ces derniers sont visiblement blessés, mais les premiers peuvent paraître normaux et bien équilibrés. Mais lorsque nous prions pour que le Saint-Esprit agisse en profondeur, ces choses font surface. À mon avis, c’est une bonne façon de comprendre les bienfaits du repos dans l’Esprit. Le repos dans l’Esprit survient lorsque les personnes pour lesquelles on prie ne peuvent plus se tenir debout ou rester assises, et tombent à la renverse, ou glissent sur le sol, et reposent sur le dos. Dans la majorité des cas le repos dans l’Esprit est très paisible.

Lorsque quelque chose d’inhabituel se produit, la question clé n’est pas dans quelle mesure cela s’écarte de la norme, mais que se passe-t-il spirituellement dans cette personne? Souvent les choses les plus inhabituelles se produisent quand on prie pour une ouverture plus grande au Saint- Esprit ou pour que le Saint-Esprit travaille plus profondément à la guérison et la sanctification dans la vie de la personne. Si nous demandons sincèrement au Père de déverser son Esprit, nous devrions comprendre que c’est ce qu’Il nous donnera. « Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson, et qui, à la place du poisson, lui remettra un serpent ? Ou encore s’il demande un œuf lui remettra-t-il un scorpion ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient ! » (Lc 11,11-13).

Comment les responsables doivent-ils s’y prendre face au repos dans l’Esprit ou autre phénomènes inhabituels? Il est essentiel d’avoir un leadership réfléchi et responsable, avec un solide enseignement à la fois fidèle aux Écritures et à la Tradition de l’Église. Quand ces deux éléments sont présents, rien n’est à craindre des phénomènes inhabituels. Pourquoi ? Tout d’abord les responsables expérimentés reconnaîtront rapidement toute dérive possible. Ils noteront si les gens ne se concentrent pas sur le Seigneur, et s’il y a quelque chose de faux dans leur motivation et leur attitude (par exemple, une concentration sur une excitation émotive). En second lieu, les responsables expérimentés donneront un enseignement sûr, qui aidera à s’assurer que lorsque les gens viennent pour la prière, ils recherchent une union plus profonde avec Dieu et une plus grande soumission à Jésus Seigneur. Il y a un lien entre ce qui est enseigné et ce qui est recherché, entre l’enseignement et l’expérience qui suit.

Quand une personne a été profondément blessée, certaines choses peuvent se produire qui peuvent gêner les autres, un tremblement par exemple. Dans ce cas les responsables peuvent calmement amener cette personne dans une pièce séparée où la prière peut se poursuivre sans gêner la conférence. Le fait que l’effet immédiat de la prière n’est pas paisible n’est pas un signe négatif ; la douleur et les blessures émotionnelles montent à la surface. Mais une telle prière devrait alors conduire à la paix, lorsque le Seigneur guérit en profondeur.

Quels peuvent être les dangers de ce repos dans l’Esprit ? Quels peuvent être les bienfaits ? Il y a danger que certains puissent s’approcher de la prière à la recherche d’une expérience plutôt que dans la recherche du Seigneur. Il faut donc un bon enseignement qui souligne cette recherche du Seigneur et non des expériences spécifiques. Le bienfait potentiel que les gens peuvent recevoir, c’est la guérison des blessures longtemps cachées ; d’autres recevront une expérience profonde de l’amour de Dieu et de sa miséricorde. Je me souviens d’un homme qui a suivi toute la Passion du Seigneur alors qu’il reposait dans l’Esprit.

Au lieu de « tomber » dans l’Esprit, il s’agit plutôt d’une forme d’abandon, comme si la personne disait « À vous, Seigneur », abandonnant le contrôle qui maintient le Seigneur à une bonne distance. Le fait de tomber dans l’Esprit n’est pas un moyen en soi et n’a pas d’importance particulière. C’est l’abandon qui importe, car nous permettons au Saint-Esprit de travailler à des niveaux au-delà de notre contrôle conscient. Comment savons-nous que nous ne nous ouvrons pas à des forces étrangères ? Le contexte fait toute la différence : quand le contexte est authentiquement louange et prière au Seigneur avec une vraie foi dans la bonté et la grâce, alors le Père ne nous donnera pas une pierre.

Le plus grand problème que je constate:les gens pensent que le repos est la clé, et ils mettent donc l’accent sur ce qui ne convient pas. La terminologie « foudroyé dans l’Esprit » devrait être évitée, car l’accent est alors mis sur le phénomène de la chute et introduit une image violente qui ne convient pas.

Pourquoi toutes ces choses se produisent-elles de nos jours? Peut-être parce que nous vivons dans une société de plus en plus bruyante et effrénée où les gens ont peu de temps pour réfléchir, se détendre et simplement exister. Ceci pourrait expliquer pourquoi les gens doivent peut-être cesser toute activité, toute contrainte, et se laisser aller, s’abandonner à l’œuvre de l’Esprit.

Comment discerner en une personne le vrai repos dans l’Esprit ?

Il est important de ne pas considérer le repos dans l’Esprit simplement comme un phénomène inhabituel apparu parmi les Catholiques à travers le Renouveau. Cette approche pourrait suggérer que le phénomène est intrinsèquement problématique. Une approche plus sage serait de prendre en compte les implications d’une forte prière de foi dans la puissance de l’Esprit Saint, sur tout l’être de la personne qui reçoit la prière, parce que notre corps est une partie essentielle de notre être, parce que notre guérison complète a une dimension spirituelle, une dimension psychologique et une dimension physique, nous ne devrions pas être surpris quand la prière de foi produit des effets physiques visibles. Ce qu’il ne faut surtout pas faire c’est d’essayer de provoquer quelque chose par nos propres efforts. C’est pourquoi il faut éviter de pousser les gens à tomber à la renverse et à entrer dans le repos. Il est tout aussi erroné d’exercer sur les gens une pression psychologique en laissant croire que seuls ceux qui tombent sont bénis.

Une réponse plus complète requiert de sentir ce qui se passe quand des personnes reposent dans l’Esprit (en général à même le sol) à la suite de la prière. Dans plusieurs régions dans le Renouveau, les gens se mettent en rang pour demander la prière, espérant recevoir bénédiction et guérison. Beaucoup de personnes tombent par terre quand on prie pour elles. Mais après quelques secondes, elles se relèvent et retournent à leur place. Ceci me semble être une perte de temps pour tout le monde et une distraction de la véritable œuvre du Seigneur. Je partage ici mes convictions personnelles de prêtre leader. Pour quelle raison je m’exprime ainsi ? Est-ce à dire que pour moi le repos dans l’Esprit serait une distraction et une perte de temps ? Non, puisque j’ai vu des personnes profondément touchées par le Seigneur pendant qu’elles étaient en repos dans l’Esprit.

Au contraire, je le dis parce que l’acte de tomber est un acte d’abandon. C’est un lâcher prise de mon autocontrôle, et peut devenir un signe de soumission au Seigneur. Cela signifie déconnecter tous nos systèmes d’inquiétude et d’anxiété, toutes nos tentatives de maitriser nos problèmes. Quand nous avons coupé notre esprit de la hâte, et que nous pouvons dire : « Je me remets entre tes mains Seigneur », alors le Seigneur peut opérer en nous en profondeur. Certaines personnes sont ramenées à des parties oubliées de leurs vies. D’autres font des expériences profondes du Seigneur. D’autres encore ne se sont même pas rendues pas compte de ce qui s’est passé. La première fois que j’ai vécu une expérience de repos dans l’Esprit, la seule chose que j’ai sue après coup était la certitude que je me suis réveillé trop tôt !

Comment pouvons-nous savoir s’il s’agit du repos dans l’Esprit ? Aussi longtemps que rien n’est clairement « pas de l’Esprit », cette question demeure sans importance. Il serait important c’est que les responsables et les autres portent leur attention sur le Seigneur et non sur les expériences, non sur les phénomènes inhabituels. Quand les chrétiens baptisés dans l’Esprit se réunissent pour chercher le Seigneur, nous n’avons pas à nous poser cette question. Quand le repos dans l’Esprit se déroule dans la paix, nous les personnes laissons entre les mains du Seigneur. Quand il y a des signes d’agitation, ou de violents mouvements des membres, la raison la plus évidente en est que des blessures profondes, peut-être effacées de la mémoire, sont entrain de refaire surface. Et ceci est plutôt bien. Ce qui se manifeste, ce n’est pas seulement le Seigneur et sa grâce, mais une douleur profonde que l’Esprit ouvre à la guérison. Si cette manifestation trouble la rencontre de prière, la personne peut être conduite à un autre endroit où le travail de guérison de l’Esprit peut continuer sans trouble.

Pourquoi ce phénomène est-il si répandu de nos jours ? Nous pouvons y voir la sagesse de Dieu à l’œuvre. Aujourd’hui il y a un grand nombre de personnes profondément blessées. Toute augmentation du taux de divorce, toute division des enfants entre les parents déchirés, tout acte d’abus et d’exploitation, tout mouvement de masse des réfugiés fuyant les violences et la terreur accroit le nombre de ceux qui ont besoin d’une guérison profonde. Certains apprennent à fonctionner en société et à cacher leurs blessures, d’autres sont des écorchés-vifs, incapables de fonctionner pleinement. Ne pas laisser sortir la douleur peut bloquer la guérison.

Un autre facteur aujourd’hui est que notre monde est plein de bruit ! Les gens portent avec eux leur divertissement, musique, vidéo, conversations internet, etc. le bruit est un gadget pour échapper à l’isolation, la solitude, la douleur. L’alcool et la drogue constituent aussi des causes. Ainsi, le repos dans l’Esprit peut être vu comme un don divin d’un espace de silence dans lequel il peut s’introduire et travailler. À mon avis, il ne devrait pas être traité avec suspicion, car alors on risquerait d’« éteindre l’Esprit ». Ce qu’il faut ce n’est pas la suppression, mais la sagesse et le discernement. À cause de nos vies bruiteuses et hyperactives, un profond abandon et le repos sont difficiles pour beaucoup de personnes. Elles veulent des résultats rapides. Elles recherchent le modèle des « fastfoods ». Ainsi, elles se couchent pendant une minute et sont de nouveau debout. Ceci est aussi une façon d’empêcher le Seigneur d’accéder à nos profondeurs. Le repos dans l’Esprit est un profond acte de confiance.

CHARIS : QUESTIONS A LA COMMISSION DOCTRINALE, CEST ICI

 

 

 

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