La pastorale d’une assemblée de prière (1/2)
(Par Marie-Thérèse Direz, coordinatrice nationale de Fraternité Pentecôte)
Cet article / enseignement est le troisième des cinq, donnés les 16 et 17 mars 2024, à Chevilly-Larue, lors du WeCooD (Weed-End des COOrdinateurs Diocésains de Fraternité Pentecôte.), à partir du livre « Groupe de prière, mode d’emploi », de Francis Manoukian, (Editions des Béatitudes).
(NDLR : ES = Esprit-Saint. SE = Saint-Esprit. GP = Groupe de Prière. BES = Baptême dans l’Esprit-Saint)
Après avoir décrit le déroulement de l’assemblée, il reste à voir l’art et la manière de tenir la barre du bateau : fixer une direction, piloter et … ne pas s’endormir sur la route.
QU’EST-CE QU’UNE PASTORALE ?
Dans le mot pastorale, il y a le mot « pasteur ». La pastorale désigne à la fois l’agir du pasteur et / ou son plan d’action, d’où cette double définition :
La pastorale est l’art de guider les âmes comme le Christ,( avec lui et en lui,) vers le Père afin qu’elles accomplissent sa volonté.
Et pour le plan d’action : La pastorale est un processus par lequel le pasteur (et son équipe) guide pédagogiquement les âmes dont il a la charge vers un objectif contribuant à leur conversion.
C’est avant tout le Christ qui se définit lui-même comme le Bon Pasteur, c’est lui qui mène son troupeau par son Esprit dans l’Eglise.
Le berger, que certains préfèreront appeler responsable et que le Pape appelle serviteur, doit apprendre à recevoir avec son équipe, la pastorale du Christ pour son assemblée. C’est lui qui, à l’écoute de Dieu, fixe les objectifs concrets et conduit. Il ne doit pas servir sa vision propre mais la vision de Dieu. Mais comment recevoir la vision de Dieu ? Regarder comment Jésus a fait, prier l’ES, tenir compte du discernement de l’Eglise et son autorité. Le plus sage et le plus prudent est de recevoir cette vision à plusieurs dans la prière.
Pour mettre en œuvre cette vision reçue, on pourra définir une pastorale ; un programme d’année avec une logique spirituelle et pédagogique…. En gardant présent à l’esprit que tous n’en sont pas au même point de leur cheminement, que tous n’avancent pas à la même vitesse.
Mais la question à se poser est : A-t-on absolument besoin d’une pastorale ?
Je cite l’auteur : « Ceux qui n’ont pas de pastorale réduisent le GP à une activité où seule la technique compte. ‘’ On a vécu une bonne prière avec de beaux chants, un bon enseignement et il y a même eu des charismes : c’est parfait !’’ Peut-être mais si on ne s’occupe pas vraiment des âmes et de la fraternité, il ne restera pas grand-chose au bout du compte. C’est comme un bon parfum…. Qui s’évapore.
Sans pastorale, c’est comme si on recréait le GP à chaque soirée. S’il n’y a pas de fil conducteur entre deux assemblées, on est dans l’évènementiel. Les personnes participent selon leur envie et ne sont plus dans un cheminement intérieur qui seul peut porter du fruit à long terme. Le risque est de faire de l’assemblée un show. Mais combien seront à même de reprendre la suite du groupe, quand les étoiles filantes auront disparu ?
Sans pastorale, la vie et la survie du groupe dépendent d’autre chose que du souci des âmes.
Cet « autre chose » peut être lié à des intérêts personnels qui sont à terme néfastes pour le GP.
Ne risque-t-on pas d’enfermer le SE ? Non si le berger et le noyau restent ouverts aux imprévus, à l’écoute de l’ES. Avoir pensé une dynamique en amont n’implique pas de s’interdire de la changer si Dieu conduit les choses autrement. Dans les Actes des Apôtres, on voit que c’est arrivé plus d’une fois en particulier à St Pierre et à St Paul ! … à nous aussi pour la première veillée à Notre-Dame-du-Laus!
Au fond, cette pastorale rejoint un peu le message du père Baldo l’an dernier sur la vision.
Avec les groupes paroissiaux naissants, on peut s’attendre à être parfois surpris par les pastorales d’année, à commencer par nous qui avons été contactés en début d’année scolaire par un groupe qui ne fonctionnait qu’une fois par mois et qui avait pour programme de se mettre à l’école des saints, avec un petit enseignement. En poursuivant la conversation, on se rendait compte qu’ils recevaient la Parole de Dieu de façon charismatique, qu’ils pratiquaient la prière des frères et exerçaient les charismes. Ça nous oblige à sortir de nos schémas tout faits. C’est un peu ce qui est arrivé à un ancien responsable de Frat Pentecôte en visite dans un groupe qui commençait la soirée de louange par un temps d’adoration. Il y avait un petit couac dans l’organisation et le Saint-Sacrement était encore exposé quand la louange débutait et ça cafouillait un peu. Ce responsable s’énervait intérieurement et il s’est fait reprendre par le Seigneur qui lui a fait comprendre qu’il devait quitter ses certitudes et que c’est lui, Jésus qui dirigeait et lui qui savait ce qui lui plaisait.
LA PASTORALE DU GP SUR UN AN
Un exemple de pastorale sur une année scolaire :
L’objectif étant de permettre à chaque membre de s’attacher au Christ et de partager cela avec d’autres, le premier trimestre pourrait être une période de mise en place où l’accent est mis sur la fidélité au Christ par une vie de prière régulière, fidélité aux autres avec la mise en place de groupes de partage ou fraternités qui permettront de connaître les nouveaux arrivants. A la fin de cette période le noyau pourra discerner qui appeler à un parcours d’effusion de l’Esprit qui est l’objectif du second trimestre : période de transformation. Carême et Pâques étant inclus dans cette période, on pourra axer sur une préparation à Pâques, l’idée étant de grandir dans la conversion personnelle avec toute l’Église. Enfin la troisième période pourrait être celle des choix missionnaires, l’accent étant mis davantage sur l’évangélisation, peut-être aussi approfondir sa vocation personnelle, son engagement dans le GP.
L’exemple donné concernait des GP de la communauté de l’Emmanuel ; il y a sans doute moins de brassage en début d’année scolaire dans nos GP, la question de la fidélisation des membres est moins pertinente. Pour autant ne faut-il pas planifier un peu l’année ? Si on prévoit de vivre un temps de préparation à l’effusion de l’Esprit, il est bon d’y penser assez tôt pour trouver des intervenants éventuellement. Si un berger est en fin de mandat, il pourrait être judicieux de préparer la relève par quelques enseignements sur le service, le don de soi, témoignages …. Si le groupe est restreint et que la mise en place de fraternités n’est pas pertinente, on peut envisager des temps de relecture réguliers.
LE RESPONSABLE DU GROUPE DE PRIERE ou BERGER
Le responsable du GP est garant de la vision pastorale. Avec le noyau il doit élaborer la pastorale pour toute l’année à partir des questions : quel est le bien des personnes ? Sur quels points peuvent-elles grandir dans leur relation à Dieu ? Puis vient l’élaboration du planning de l’année, des moyens à mettre en œuvre pour réaliser les objectifs.
Les rôles : Le Christ s’est entouré de douze disciples qu’il a appelés, formés et envoyés. Cela indique trois rôles essentiels du pasteur :
Appeler des disciples
Généralement le responsable a été lui-même été appelé à cette mission. C’est à lui qu’il revient de rassembler un noyau autour de lui (à moins que ce soit le noyau qui ait été élu et ce noyau désigne le berger). Il appellera individuellement les personnes constituant le noyau pour une mission particulière.
Il veillera à renouveler le noyau régulièrement et donc à appeler des personnes ayant reçu l’effusion de l’ES. Pourquoi ? parce que c’est le moteur de la transmission.
Former et accompagner
Le berger doit veiller particulièrement sur ceux qui sont au service avec lui, car sa mission première est auprès du noyau. S’il s’occupe de tout lui-même, il va s’épuiser mais aussi démobiliser les troupes. Il veillera à réunir régulièrement le noyau en dehors du GP. Il prendra le temps de connaître chacun. Si le noyau n’est pas soudé, si ses membres ne sont pas frères et sœurs, le GP ne peut pas être fraternel.
C’est encore le berger qui planifiera les réunions importantes et les dirigera. Mais en fin de mandat, il pourra déléguer cette direction, passer la main. Le berger préside le temps de préparation à la louange ainsi que le débriefing ou relecture.
Envoyer des disciples
Si le responsable est le seul à assumer le rôle pastoral, il va s’épuiser. Le noyau doit être un groupe de serviteurs de la pastorale. Dans l’Evangile, les 12 puis les 72 sont au contact de la foule. Jésus aussi mais il passe bcp de temps avec ses disciples. Ne pas oublier que le responsable est là pour une durée déterminée : 3 ans semble être une bonne durée et à Frat Pentecôte on ajoute renouvelable une fois. Il faut donc penser à celui ou celle qui le remplacera, le plus sage est de préparer 2 ou 3 personnes pour ne pas être pris de court si l’un déménage …
La joie avant tout
La responsabilité d’un groupe est toujours lourde, cependant elle fait beaucoup grandir. Le responsable doit éviter de se laisser enfermer dans les soucis mais rester dans la joie. Sa joie est communicative et précieuse pour le groupe.
LE NOYAU DU GP
Autour du responsable, il s’agit de l’instance de discernement, de conseil et d’animation.
Sa mission :
Prier pour les membres, définir la pastorale avec le responsable, appeler des membres à assumer tel ou tel poste, préparer les grands moments : we, effusion de l’Esprit …, animer un groupe de partage ou une fraternité … il s’agit de sentir le terrain de près.
Quand se réunit-il et pourquoi faire ?
Régulièrement ! En début d’année en prévision des temps forts, prévoir les dates, lieux, contenu, intervenants. Un peu plus tard dans l’année : repérer ceux à qui on peut proposer l’effusion du SE.
Après cette effusion du SE, voir ce qu’on peut proposer comme service à ceux qui ont fait cette démarche afin que chacun reçoive une mission.
Tout au long de l’année : avant et après chaque assemblée de prière pour prier et faire le point …. sans oublier des temps fraternels en dehors de tout travail pastoral.
A quoi doit-il veiller ?
Son objectif premier est de prier et de faire la volonté de Dieu en toute chose. A chaque assemblée de prière, le noyau notera les paroles reçues les plus significatives pour essayer ensuite en relecture de discerner le chemin à suivre. En second lieu il s’agit de connaître les personnes et de veiller sur elles en privilégiant celles qui ont besoin du plus d’attention ; ils seront des remparts en cas de combat spirituel. Ensuite il doit veiller à ce que chacun fasse la volonté de Dieu en accueillant ses charismes propres et en les exerçant humblement, en aimant Dieu et en l’annonçant. Enfin il assure le bon fonctionnement et l’harmonie entre tous les services.
L’EFFUSION du SAINT ESPRIT (ou Baptême dans l’Esprit-Saint)
C’est l’élément le plus important de l’assemblée de prière – sa raison d’être. Il s’agit de cet évènement fondateur qui fait basculer le disciple en missionnaire, le consommateur en acteur, l’endormi en « réveillé ». On passe de la suite du Christ à la mission du Christ.
La maturité de l’état de chrétien
L’initiation chrétienne s’appuie sur les sacrements du Baptême, le l’Eucharistie et de la Confirmation. Le chrétien n’est pas complet sans l’onction de la Confirmation qu’on appelle « sacrement de la maturité chrétienne ». Cette maturité est de pouvoir transmettre ce qu’on a reçu et compris. Le Baptême dans l’ES permet à ces trois sacrements de donner leur pleine mesure.
C’est une grâce que l’on reçoit, comme un feu qui appelle à un don gratuit, à une réponse effective de notre part.
L’ES éclaire sur la nécessité de :
– Mettre le Christ au centre de sa vie,
– Ecouter l’ES et se laisser modeler par lui,
– Faire la volonté du Père.
Cela constitue un changement de propriétaire. Cette grâce de Dieu couplée à la réponse de l’homme rappelle ce que vivent un homme et une femme lorsqu’ils tombent amoureux. Entre cet instant et le mariage, il y a le temps de la préparation et de la liberté.
Objet
Les récits de rencontres de Jésus avec les Apôtres montrent qu’ils ont fait l’expérience d’un amour particulier. Beaucoup de chrétiens déjà pratiquants sont surpris de faire cette rencontre au cours d’une retraite. Ils s’imaginaient être chrétiens par leurs convictions personnelles, les voilà chrétiens par leur union à Dieu ; ils se découvrent objet d’un amour personnel mais cela ne suffit pas. La rencontre avec le Christ ouvre une période de conversion personnelle.
Comment savoir qu’on est en état de conversion ? Par certains signes :
– Conscience vive d’avoir à se laisser transformer par l’Esprit,
– Volonté de répondre à l’amour de Dieu avec un même amour,
– Souffrance éprouvée de n’être pas en adéquation avec notre vocation à la sainteté,
– Soif de connaître Dieu et de le voir agir dans nos vies,
– Soif de vivre de la Parole de Dieu,
– Désir de vivre les sacrements et d’aimer l’Eglise,
– Désir de témoigner.
Cette conversion est nécessaire pour passer à l’étape suivante : le don de sa vie.
Don de sa vie
Après la Résurrection Jésus refait une catéchèse à ses disciples pour s’assurer qu’ils ont bien compris le sens de sa vie, de sa mort et de sa Résurrection. Il les envoie ensuite en mission en leur promettant l’ES, puis il s’en va pour leur faire comprendre qu’ils doivent prendre leur mission en main. Ils ont peur car ils n’ont pas encore reçu l’Esprit. Pour cela ils vont se préparer dans la prière au Cénacle avec la Vierge Marie.
Ces 9 jours avant la Pentecôte constituent la première préparation à l’effusion du SE de tous les temps. Qu’ont-ils vécu pendant cette retraite ? On peut supposer qu’ils se sont disposés intérieurement à donner leur vie. La peur est tjrs liée à une crainte de perdre qq chose. Quand on a tout donné, quand on a donné sa vie, on n’a plus peur de rien. La liberté est alors pleine et entière.
L’effusion de l’Esprit correspond au don gratuit du « feu pour la mission » couplé à cet engagement intérieur de donner sa vie au Christ sans crainte.
Nous prenons l’expérience des Apôtres comme modèle mais cette expérience n’est pas unique. Chacun peut vivre cette expérience de manière différente, de même que chacun reçoit sa vocation de manière unique.
La préparation
Beaucoup pensent que l’effusion de l’Esprit est quelque chose de spontané, qui est donné soit « sauvagement » quasi à notre insu, soit au moment où la personne franchit le pas en demandant « la prière d’effusion ». Ce n’est pas si simple. On confond en effet souvent la rencontre avec le Christ, qui nous surprend et « l’effusion de l’Esprit », qui est l’accueil par Dieu de notre sacrifice couplé avec le feu qui descend sur nous.
Dans le GP la préparation dure un certain nombre de séances, souvent 7. Exemple possible : après la louange : courte prière, nouvel enseignement, des témoignages, partage en petits groupe sur la dernière séance ou sur l’enseignement du jour.
Election et demande d’engagement
La Pentecôte n’est pas le premier moment de la vie spirituelle des Apôtres. Elle vient après la rencontre du Christ, une formation de plusieurs années et ils ont vécu la Pâque. Jésus ne parle vraiment de l’ES que dans son discours d’adieu.
Deux écueils à éviter :
1. Vouloir que tout le monde fasse une effusion « coûte que coûte », comme si cela dépendait uniquement d’un parcours de formation
2. Interdire l’effusion selon des critères humains, comme si cela dépendait de nous ou de nos plans.
Sur ce deuxième point le Pape François nous met vigoureusement en garde :
« Un danger est celui de devenir des contrôleurs de la grâce de Dieu, … des administrateurs de sa grâce, décidant qui peut recevoir le BSE et qui, au contraire ne le peut pas. Si certains agissent ainsi je vous prie de ne plus le faire ! Vous, vous êtes dispensateurs de la grâce, et non des contrôleurs ! N’érigez pas de douane à l’ES !” (Rome 01 / 06 / 2014)
Alors question : à qui proposer un parcours de préparation BES ?
A priori à ceux qui ont conscience de la portée de leur engagement, ceux qui ont le désir d’aller plus loin dans leur relation avec le Christ. Proposer le BES à des personnes qui n’ont jamais entendu parler du Christ serait un contresens. Il ne s’agit pas de faire une sélection mais une proposition adaptée.
Pour aider à franchir le pas, le témoignage des anciens sur ce que l’Effusion de l’Esprit a changé dans leur vie est précieux.
A la fin du parcours une demande d’engagement pourra être préparée par chaque candidat.
Parfois cette demande d’engagement se réduira à répondre à la question : est-ce que tu donnes toute ta vie au Christ ?
La prière pour le BES
Elle ne doit pas prendre la forme d’une prière des frères, mais celle d’un engagement. Il s’agit de remettre sa vie à Jésus et de demander l’Esprit Saint et tous ses charismes pour être équipé pour la mission.
Pour voir ou revoir le premier enseignement “Groupe de prière mode d’emploi”, c’est ICI.
Pour le second enseignement, c’est ICI
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