Fraternité Pentecôte est un appel de l’Esprit Saint à suivre le Christ et lui seul, en le choisissant comme Sauveur et Seigneur. Cet appel nous invite à lui remettre tout notre être, en pensée, en parole et en action, afin que notre vie fraternelle soit un témoignage de réconciliation de l’irréconciliable. D’autant plus au « moment favorable » que représente le Carême…
Ayez entre vous les sentiments du Christ !
« Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jean 13. 34-35).
Ces paroles sont étonnantes, car en sa personne Jésus résume tous les enseignements de la loi et des prophètes et les ramène à un seul commandement. Et de façon surprenante ce commandement concerne… l’amour des frères. Le commandement nouveau ne détruit par l’ancien mais il l’accomplit, et à un grand prix, car pour rassembler dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés (Jn 13, 6), Jésus, jusqu’au bout, a refusé de trancher entre les bons et les méchants. Il est vraiment l’agneau de Dieu qui ne s’attaque aux épines du mal que par le feu de l’amour. Sa lumière sans ombre met à nu les pensées mauvaises et les jugements que nous avons les uns envers les autres. À la croix, il a vaincu le Satan qui nous entraîne à accuser Dieu et les autres d’être la cause de tous nos maux, tout en nous aveuglant sur notre propre participation au mal.
Tout est accompli. La victoire sur le mal, la souffrance et la mort, est acquise par celui qui, tout étant Fils unique de Dieu et parfaite image de son Père, est venu dans la condition humaine pour ouvrir celle-ci à l’éternité. Pour cela il n’a pas gardé pour lui sa condition divine, mais il s’est approché de tout homme pécheur, c’est-à-dire coupé de Dieu, la source de Vie éternelle. Il s’est abaissé pour panser ses plaies et porter ses fardeaux, il s’en est fait le serviteur. Pourtant il est aussi écrit que les siens ne l’ont pas reçu, car ils ne pouvaient se ranger à l’idée d’un Dieu qui s’abaisse à ce point, jusqu’au plus bas, jusqu’aux recoins les plus obscurs de notre humanité blessée. Or Jésus va jusqu’à laver les pieds de ses disciples, et c’est naturel dans son comportement profond : il s’abaisse par nature, car l’abaissement et le service des frères, c’est le propre de l’action de l’Esprit-Saint.
Mais ceux qui l’ont reçu, qui ont cru en lui, sont devenus enfants de Dieu. Jean dit qu’il témoigne de ce qu’il a vu : il a vu l’eau et le sang qui coulaient du côté transpercé de Jésus, l’agneau de Dieu. Il y a vu la source du fleuve d’eau vive qui coule du temple que les hommes ont détruit, et il a cru que cette source de vie était indestructible. Et toute sa vie relationnelle en a été transformée. Il a été invité par Jésus lui-même à prendre pour mère Marie, elle, la servante du Seigneur, celle dont l’engagement au service est la matrice de tous les serviteurs de Dieu et des hommes.
Paul aussi témoigne de ce qu’il a entendu et qui lui coûtait tant de croire : un Dieu qui, au lieu d’affirmer sa toute puissance, s’identifie aux hommes les plus méprisés et rejetés d’entre leurs semblables. Et cette découverte a mis à terre toutes ses connaissances bibliques et tous ses désirs de perfection. Il en est devenu aveugle et a dû se faire guérir par l’un de ceux qu’il persécutait.
Et nous, que connaissons de l’amour de Dieu, quelle expérience avons-nous de l’amour du Christ pour nous ? Les premiers disciples parlaient de Jésus comme de la Voie qui mène à la Vie. Chacun d’eux avait fait une expérience unique de ce chemin, mais tous en avaient compris les caractéristiques essentielles : un passage de la mort à la Vie. Une sortie de l’enfermement en soi-même, du repli sur soi, du repli entre soi, qui s’accomplit par le choix et l’expérience de Jésus comme Seigneur, comme Sauveur, comme Enseignant, comme Guide, comme Berger. Et l’expérience des inspirations surprenantes de l’Esprit Saint qui nous font proclamer la Vie nouvelle, là où elle n’est pas visible à nos yeux, dans les personnes et les situations que tous rejettent et dénigrent.
Aujourd’hui bien des chrétiens voudraient vivre ou revivre ces temps forts qui dilatent nos cœurs et nous sortent de nos petits cercles. Mais il nous faut pour cela sans cesse revenir à la Voie que nous a tracée Jésus, celle qui nous conduit pas à pas vers nos frères. « Ne faites rien par esprit de rivalité ou par désir inutile de briller, mais, avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous-mêmes » (Phil 2, 3). En effet c’est une fois pour toutes que Jésus a manifesté sa gloire, non pas en revendiquant sa primauté de Fils unique, mais en s’abaissant parmi les hommes jusqu’au plus bas de tout, jusqu’à tout donner de lui-même, corps, âme et esprit.
Souvent l’on oppose l’humilité à l’orgueil, comme l’on pourrait opposer le plus petit au plus grand.
Et devant Dieu, bien sûr, nous ne pouvons que nous abaisser, ce que Satan fait aussi. C’est pourquoi Jésus est venu parmi nous pour nous révéler la nature profonde de Dieu son Père. « L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas … il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ;…. il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout » (I Cor 13, 4-7). C’est là la voie supérieure dont parle l’apôtre Paul, celle sur laquelle le Christ et son Esprit nous conduisent pas à pas en toutes nos relations entre humains et avec tous les êtres existants. En effet cette Voie est infinie et, en ce cas, le seul repère est simplement, comme dans les pèlerinages, d’y avancer pas à pas quotidiennement.
Dans chacune de nos relations posons-nous la question :
- Quelle est vraiment mon attitude envers ce frère ou cette sœur, est-ce que je le/la considère comme inférieur(e) à moi ?
- Si oui, qu’est-ce qui m’empêche de les croire supérieurs à moi, de les honorer et de les servir ?
- Que ferait le Christ à ma place et que me dit l’Esprit-Saint ?
C’est ainsi que nous trouverons notre juste place dans le Corps du Christ, aussi bas que l’Esprit nous y fait descendre. L’humilité n’est pas un état, mais une Voie, une voie sainte, celle du Christ et de l’Esprit. Celle qu’a comprise Marie. Il n’y a pas d’autre chemin qui mène vers le Royaume où tous les enfants de Dieu sont rassemblés dans l’unité, pour la joie du Père. De même, face au mal, aux divisions, au mensonge, à la haine, à la mort, j’ose refuser de me décourager ou d’entrer dans la révolte ou le jugement sur les personnes. Et je choisis pas à pas de m’abandonner avec Jésus, en la compassion pour tous les souffrants et en la confiance en son Père et notre Père, sachant qu’il fera tout concourir au bien de tous ses enfants.
Pierre Chieux, ancien coordinateur national de Fraternité Pentecôte
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