La liberté que Dieu nous donne
par Claude Turck, du Conseil national de Fraternité Pentecôte
Dés le commencement Dieu donne à l’homme la liberté d’organiser, de gérer le monde en plaçant tous les « êtres vivants » sous sa dépendance et en faisant que la terre lui soit soumise. Dieu prend le risque de faire confiance à l’homme qu’Il a créé « à son image » en sachant que « cela était bon » (Gn 1) .
Les anges déchus ne pouvaient pas accepter cela : « ils ne comprennent ni n’admettent que Dieu fasse tant de cas d’une vulgaire créature douée certes d’un esprit comme eux, mais aussi d’un corps comme les bêtes, et qui les tire vers le bas de la création ! »[1] Ils n’acceptent pas que Dieu tout puissant n’impose pas sa volonté à l’homme, mais qu’au contraire Il s’humilie devant lui. Ils refusent « que Dieu s’abaisse à aimer ». Ils refusent cette humilité inhérente à la nature même d’un Dieu qui est tout amour, cette humilité qu’ils ne veulent ni pour Dieu ni pour eux. Un péché d’orgueil destructeur de la liberté ; les démons ont une vision « idolâtrique » de Dieu.
Cette liberté que Dieu nous donne peut paraître paradoxale à nos yeux. Elle est totale sans l’être (Rm 6, 18) ; elle est libératrice mais aussi contraignante ; elle nous ouvre un espace qui a ses limites (Gal 5, 13 ; Col 2, 14) ; elle nous met en garde dans notre rapport à la loi sans abolir cette loi. (Mt 5, 17 ; Rm 8, 2 ; Rm 10, 4 ; Galates 3, 23-25 ; Éphésiens 2, 15)…
Cette liberté semble toujours être « ambivalente ».
En fait, la liberté que Dieu nous donne nous engage à discerner et à agir en conscience ; à être « Providence » pour nous-même et pour les autres.
Mais en même temps, cette liberté que Dieu nous donne est sans condition : cela peut nous paraître exorbitant et peu raisonnable et, effectivement, ça l’est plutôt, non ?
Ce n’est pas simple à comprendre, cela est surprenant, en effet, de penser qu’un Dieu tout puissant n’impose pas sa volonté à ses créatures.
Cela dépasse notre entendement, toute raison objective… Un mystère !
Dans l’histoire de l’humanité, l’homme s’est toujours interrogé sur ce mystère.
On peut voir le Créateur comme le grand « horloger », disait William Paley[2], ainsi que Descartes et Newton, parmi tant d’autres. En ce sens, tout se meut selon une loi définie une fois pour toutes, dont le cours (telle l’horloge) ne peut être modifié. Ce sont « des lois universelles de la nature à l’œuvre qui ordonnent le mouvement du monde et de ses parties »[3].
Mais pour nous chrétien il n’en est rien. Nous avons cette liberté de ne pas adhérer au plan de Dieu.
Notre Dieu prend le risque de nous faire confiance, de nous laisser cette liberté incroyable de décider ce qui nous paraît bon, de notre point de vue, au risque de nous fourvoyer.
Saint Paul nous le dit : « C’est pour la liberté que Christ nous a libérés. Demeurez donc fermes, et ne vous remettez pas de nouveau sous le joug de l’esclavage. » (Ga 5, 1)
Notre Dieu prend ce risque de nous laisser totalement libres de choisir, sachant que nous pouvons nous tromper.
Il existe une forme de management, notamment dans des entreprises japonaises, où l’on laisse des employés libres de commettre des erreurs en les amenant à réfléchir sur les conséquences de ces erreurs : cela, afin que, par la suite, ils sachent éviter de refaire les mêmes erreurs.
Il est vrai que l’exercice de notre liberté favorise notre créativité : livrés à nous même, nous trouvons des solutions aux difficultés rencontrées.
Cependant, si je prends l’exemple d’un petit enfant que ses parents laisseraient totalement libre de faire ce qu’il veut, cela nous semblerait imprudent, démagogue et contraire à une bonne éducation qui suppose des règles, afin d’éviter que l’enfant ne fasse des bêtises ou n’emprunte des chemins qui, nous le pensons du moins, ne lui seraient pas bénéfiques.
Pourquoi cette liberté ? Dieu nous veut libres précisément parce qu’il nous aime. Cet amour inconditionnel est établi de toute éternité.
Mais c’est quoi cet amour de Dieu ? Paradoxalement il me semble être une réponse à l’incompréhension et à la colère exprimées par beaucoup : « si Dieu existait Il ne permettrait pas le mal ». « Si Dieu existait Il imposerait l’ordre ».
Dans notre monde aujourd’hui certains pensent que l’ordre doit être imposé de façon radicale. C’est le cas des autocrates qui pensent que la liberté de leurs citoyens doit être vigoureusement contrôlée afin de permettre l’ordre nécessaire au bon développement. C’est le mensonge du diable.
Dans un pays totalitaire, l’ordre est imposé et beaucoup semblent rassurés. Le pouvoir en place se charge de l’ordre, toute incartade est sévèrement punie, tout mal est (supposé) éradiqué. Alors, nous vivons en paix ! Mais à quel prix ? Celui de nous taire. Toute liberté est, pour le coup, éradiquée.
Ainsi, nous avons entendu dire : “Ne vous tracassez pas, vous allez vivre bien, moi je m’occupe de l’ordre” en d’autres termes “ne vous mêlez pas de la politique…”.
En contre partie Dieu ne prend pas de décision à notre place. Il nous propose mais nous laisse libres de choisir : ” j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie…” (Dt 30, 19).
Cette liberté m’a permis de comprendre, peu à peu, cet amour “Agapè” que Jésus évoque auprès de Pierre (Jn 21, 15-19) : il ne peut même pas en être autrement. Nous comprenons que si Dieu imposait le bien, notre liberté n’existerait pas et il ne serait pas Dieu.
Cette liberté peut nous amener tous à pécher. Et malheureusement nous manquons « la cible » et provoquons de grandes souffrances. C’est le cas notamment à travers les prêtres pédophiles dans l’Église d’aujourd’hui : un contre-témoignage épouvantable alors qu’ils sont censés nous montrer le bon chemin, le meilleur usage que nous pourrions faire de cette liberté. C’est un scandale dévastateur !
Cependant, rejaillit l’amour miséricordieux de Dieu qui souffre avec nous et qui nous aime.
Notre liberté dans cet amour de Dieu conforte notre espérance !
Pour nous chrétiens la vraie liberté c’est celle que nous donne l’Esprit-Saint.
Comme les apôtres au Cénacle c’est l’Esprit-Saint qui nous libère totalement et nous donne l’audace d’annoncer partout la Bonne Nouvelle du salut.
« Or, le Seigneur c’est l’Esprit ; et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. » (2 Co 3, 17)
Quand nous comprenons et faisons nôtre cette liberté que l’Esprit Saint nous donne, nous désirons alors témoigner de cet amour immense ; nous avons envie de suivre ce maître et de choisir le chemin qu’Il nous propose. Paradoxalement nous n’avons pas peur d’être « esclaves » de celui qui nous aime. « Mais maintenant, libérés du péché et devenus esclaves de Dieu, vous avez pour fruit une consécration et pour fin la vie éternelle. » (Rm 6, 22)
Pour cela, nous revendiquons pleinement « un baptême dans l’Esprit-Saint », confortés par notre Pape François[4].
Dans la liberté de l’Esprit, nous pouvons alors crier, danser, rire, pleurer, prophétiser, agiter nos bannières, tomber dans un repos bienfaisant, sans passer pour des fous mais à la gloire de notre Dieu d’Amour.
Nous devenons témoins de l’Amour de Dieu.
Par notre témoignage, nous évangélisons en dépit de toute résistance !
Nous portons « le témoignage nécessaire pour l’évangélisation du monde, à laquelle nous sommes tous appelés par notre baptême. Évangélisation qui n’est pas prosélytisme mais principalement témoignage. Témoignage d’amour: « Regardez comme ils s’aiment », c’est ce qui attirait l’attention de ceux qui rencontraient les premiers chrétiens. « Regardez comme ils s’aiment ». [5]
Conduits par l’Esprit Saint, nous comprenons que cette liberté nous place devant la responsabilité de nos choix.
« Tout est permis, mais tout n’est pas utile ; tout est permis, mais tout n’édifie pas. » (1Co 10, 23)
Conscients de notre vie en société et du respect de la liberté des autres.
« Frères, vous avez été appelés à la liberté, seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte de vivre selon la chair; mais rendez vous, par la charité, serviteurs les uns des autres ». (Ga, 5, 13)
« Rejetez donc toute forme de méchanceté, toute ruse, ainsi que l’hypocrisie, la jalousie et les calomnies ». (1 P 2, 1-3)
Cette liberté n’est donc pas la toute puissance, mais un appel à la tempérance, à la compassion ; un appel à discerner ce qui est bon pour nous à un moment donné.
En aucun cas il ne s’agit de cocher des cases, « oui » ou « non », sur un listing de choses à faire ou à ne pas faire.
Nous comprenons que les Évangiles ne sont pas un traité qui développe des propos philosophiques sur la liberté. À travers ce que Jésus nous dit et la contemplation de sa vie, nous découvrons la signification profonde de cette liberté que Dieu veut pour nous, ses contraintes, ses limites qui donnent sens à notre vie.
Jésus nous interpelle, non pas pour nous mettre à l’épreuve mais pour faire appel à notre intelligence et nous permettre de faire les bons choix.
Claude Turck
[1] Petite conversation sur le Diable, du père Gaultier de Chaillé. P 65 Ed. Mame.
[2] Philosophe et théologien britannique de la fin du 18ème siècle.
[3] Yong Amos, théologien Pentecôtiste (26 août 2010). « Comment Dieu fait-il ce que Dieu fait? »
[4] Discours du Pape François, le 8 juin 2019 devant 4500 membres du Renouveau Charismatique (CHARIS) : « Que ce mouvement [CHARIS] partage le baptême dans l’Esprit avec tout le monde dans l’Église. C’est la grâce que vous avez reçue. Partagez-la ! Ne la gardez pas pour vous ! »
[5] Id pape François le 8 juin 2019
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