Comment se former à la prière, à la vie chrétienne, au témoignage de notre foi ?
Se former, ou à apprendre à se laisser transformer, et par qui ?
(Par Pierre Chieux, ancien berger de F. P. nationale)
Il y a aujourd’hui un regain de la demande de formation chrétienne, et de nombreuses propositions circulent sur internet et dans nos lieux d’Église. Comment choisir et vérifier que les moyens choisis sont les bons pour nous ?
Au baptême nous chantons « Tu es devenu enfant de Dieu ». Nous le chantons, car nous avons appris que Dieu s’engage envers nous, nous console, nous guérit, nous ouvre ses bras et nous donne tout son amour. Nous le savons, mais nous avons besoin d’y croire, car nous sommes sans cesse tentés de douter de l’intérêt que Dieu – qui est infini – pourrait porter aux hommes si limités et vulnérables, surtout lorsque nous faisons le mal. Nous avons besoin de signes, de preuves, besoin d’expérimenter, par toutes les dimensions de notre être, l’amour infini de Dieu pour nous.
Toute la Bible est l’histoire de l’alliance que Dieu fait avec des hommes qu’il s’est choisis et qu’il a rassemblés, ainsi que de la rupture incessante de cette alliance par son peuple. Alors Dieu décida de venir lui-même parmi les hommes en la personne de Jésus son Fils qui ne fait qu’un avec lui, en un amour infini. Au début de son ministère public, Jésus disait aux Juifs de son temps : « Convertissez-vous et croyez que le Royaume de Dieu s’est approché ». Aujourd’hui encore cette parole nous appelle à nous convertir, ce qui n’est pas changer de direction, mais nous tourner vers celui qui vient, qui est venu et qui viendra. Vers celui qui, à la croix, s’est écrié : « tout est accompli ! ».
Nous croyons et nous chantons qu’à la croix tout est accompli, les cieux sont ouverts, le pardon du Père est donné à tous les hommes qui lèvent les yeux vers le Fils de Dieu qu’ils ont transpercé. Nous croyons que sur la croix, celui qui se dit « Fils de l’homme » meurt, versant son sang, victime innocente chargée de tous nos refus d’amour. Et nous croyons qu’en mourant il continue de croire en l’amour de son Père pour tous les hommes, et en la capacité de chacun de nous à s’ouvrir et recevoir cet amour. C’est pourquoi Dieu notre Père répond au cri du Fils de l’homme, son fils crucifié : il le ressuscite et l’élève à sa droite, afin qu’au nom de Jésus (en hébreu Yéchoua = Dieu-sauve) tout homme, quels que soient ses enfermements, trouve accès à la famille des enfants de Dieu, au royaume, à la vie éternelle.
Et cela change quoi, en nos vies quotidiennes ? Rien, si nous continuons à vouloir obtenir par nos efforts impuissants, ce qui nous est gratuitement offert. Tout, si nous croyons qu’en Jésus la délivrance de toute emprise du mal sur notre corps et notre volonté, et la victoire sur toute emprise du mensonge sur notre intelligence, nous sont acquises. Chaque jour nous devenons chrétiens en croyant que Dieu nous aime au point de tout donner et de se donner entièrement à nous. En définitive, la « formation chrétienne » n’est autre que le façonnage de notre vie par Dieu, pour que nous ressemblions à Jésus le Fils bien aimé, que nous soyons configurés au Christ et que nous soyons rassemblés en lui, “l’aîné d’une multitude de frères” (Rom 8, 29). Mais pour cela nous devons apprendre à laisser Dieu agir dans toutes les dimensions de notre être, corps, psychisme et esprit. Apprendre à discerner et accueillir dans les profondeurs de notre être, les moyens spécifiques que Dieu utilise pour cela, le don de sa Parole, de son Esprit et de son Pain, qui viennent d’en-haut, mais sont répandus et communiqués en des situations et par des mains les plus inattendues.
1) La Parole. Celle qui tranche doublement (Héb 4, 12), qui fait la vérité sur nous et sur Dieu. Les commandements de Dieu et le commandement nouveau du Christ : nous aimer les uns les autres comme lui nous aime. Les Ecritures, toute l’écriture. La vie et l’enseignement du Christ, toute sa vie. Est-ce que j’écoute, connais, ressasse, obéis et agis selon la Parole qui me touche au coeur ?
2) L’Esprit Saint. Cette force intérieure, cet élan d’amour qui me saisit, me sort de moi, m’appelle à connaître le Christ et le Père, à servir tous les hommes, surtout ceux en détresse. Les dons que l’Esprit nous invite à recevoir et exercer dans la foi et l’action de grâces, pour faire aimer Jésus. Le fruit de l’Esprit (Gal 5, 22 : amour, paix, joie, patience, douceur, bonté, maîtrise de soi…) dont le goût en nos profondeurs nous encourage à aller de l’avant selon la volonté de Dieu.
3) Le Pain qui assure ma subsistance au quotidien. Les repas, leur préparation. Les fêtes partagées. Le travail, les relations qui tissent notre vie. Même celles qui pèsent. L’usure du temps, de l’âge, de la maladie. Et les imprévus, soif et faim, et ce qu’ils mettent en lumière en nous. Tout sert à nourrir ceux qui aiment Dieu comme des fils. En Jésus et par lui, tout devient action de grâce au Père.
- Les frères. Le Seigneur répand sa Parole, son Esprit et son Pain par les mains de ses disciples pour rassembler dans l’unité de corps, d’âme et d’esprit, tous les enfants de Dieu dispersés. C’est au sein de la communauté des frères en Christ qu’est mis en lumière ce qui, en nous, vient d’en bas, de nos ténèbres cachées. Tous les frères y contribuent. Et les soeurs. Leur présence, leur absence. Leur proximité, leur distance. L’hospitalité et le pain partagés. La confiance en l’action de Dieu en tous. L’écoute de la parole, des interpellations et cris de chacun. Les histoires de famille, les conflits entre familles, cultures, peuples. Et la foi au don de toute réconciliation en Christ. Même avec nos pires ennemis. C’est dans le concret de la vie fraternelle que nous sommes incités à changer de priorité, au niveau de nos désirs, de nos pensées, de nos actions. Car c’est bien là que se manifestent avec la plus grande évidence ces trois points de vigilance :
1) Par quoi et par qui nous sommes conduits. Nous sommes souvent conduits par ce qui nous manque ou ce qui nous attire extérieurement : confort, argent, honneurs… Avons-nous jamais mis en oeuvre l’autorité reçue de Jésus et de sa Parole pour vaincre le mal et l’égocentrisme en nous et autour de nous ? ou pour témoigner de la miséricorde du Père et pour louer Dieu ?
2) À quoi et à qui nous pensons. Nos pensées, nos jugements guident nos actions, mais sont-ils conformes à la pensée de Dieu, à la loi de Dieu, à l’Ecriture, à l’exemple donné par le Christ, dont la priorité est l’amour des personnes qu’il rencontre ? Avons-nous déjà expérimenté de boire à la source d’eau vive ? Celle que l’Esprit Saint fait jaillir en nous en toute situation : le désir de servir et de faire grandir la capacité d’amour qui est en chaque être humain ?
3) Comment et comme qui nous réagissons. Nos réactions profondes sont-elles, comme très souvent, des réactions de défense, de survie (suite à de profondes et réelles blessures); ou bien avons-nous appris à dire : « et toi Jésus, que ferais-tu, en cette situation ? ». C’est ainsi que nous apprenons que le Seigneur peut nous conduire, nous éduquer et nous faire réagir bien autrement et au delà de tout ce que nous pouvons imaginer et de tout ce dont nous nous croyons capables.
Jésus nous a dit : “Je suis le chemin, la vérité, la vie” (Jn 14, 6). Il l’a dit alors qu’il était abandonné et rejeté par les siens, pour avoir témoigné de l’amour de Dieu pour les plus pécheurs, ceux qui étaient rejetés, et même ennemis de son peuple Israël. Chaque pas sur la voie tracée par Jésus dans l’accueil, l’écoute, le service des plus perdus de ses frères ; chaque geste accompli dans l’élan d’amour et la vérité de la Parole venus d’en-haut nous délivre de tous liens mauvais (en pensée, paroles et actions), et fait de nous des enfants de Dieu, des témoins de son amour infini.
L’homme n’est pas qu’un animal doté de raison, mais un être de dialogue, qui parle et qui écoute, face à un Dieu qui écoute et qui parle pour l’inviter à entrer avec Jésus, pour l’éternité, en pleine jouissance du Royaume de Dieu. L’univers visible et tout ce qu’il contient est invité à laisser transparaître ce royaume nouveau où tous les êtres prennent soin les uns des autres, en mettant à l’honneur Celui qui s’est fait le plus petit, le plus serviteur et a été le plus rejeté de tous.
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