L’importance de l’accompagnement spirituel.
Par Claude Turck, du conseil national de Fraternité Pentecôte.
J’ai besoin d’être accompagné : un signe de faiblesse ?
Y aurait-il une honte à se faire accompagner ? Est-ce une forme de faiblesse ? Pourquoi un accompagnement est-il important ?
Si nous considérons l’accompagnement comme une relation d’aide, il n’y a pas de honte à cela, même si nous avons besoin d’un peu d’humilité pour admettre que nous ne pouvons pas tout par nous-même ; accepter qu’une tierce personne nous entende, et que nous puissions l’écouter. L’objectif d’un accompagnement est de prévenir (ou simplement de comprendre) une situation, désirée ou non, d’en évaluer l’importance et éventuellement d’y apporter, par notre libre arbitre, une réponse, une solution.
Il m’arrive parfois de recommander à tel ou telle d’être accompagné. Certains le comprennent, mais beaucoup semblent me dire : « je ne suis pas fou ! ».
Je repense alors à cette citation de Blaise Pascal : « Les hommes sont si nécessairement fous, que ce serait être fou, par un autre tour de folie, de n’être pas fou »[1].
Oui, je peux souscrire en souriant à l’expression de cette sagesse, mais je respecte la liberté de ces personnes rencontrées, car se reconnaître un peu fou demande une certaine humilité.
Tout va bien pour moi, pas besoin de ça !
Est-ce seulement en cas de difficultés qu’il est bon d’être accompagné ?
Non, car l’accompagnement, souvent préventif, peut s’avérer utile à tout moment. C’est une nécessité que nous avons d’échanger avec d’autres, de partager notre expérience, afin de mieux comprendre ce que nous vivons et d’agir avec plus de sérénité.
Il n’y a aucune obligation à être accompagné, mais quelle que soit notre condition de vie, nous pouvons en ressentir le besoin.
Pourquoi ?
Parce que nous prenons conscience de ne pas avoir toujours les armes nécessaires pour combattre notre incertitude, nos difficultés devant telle ou telle situation. Même des décisions simples a priori, sont parfois complexes car les éléments dont nous disposons ne sont pas toujours clairs.
La compréhension et les décisions que nous prenons font toujours appel à notre intelligence. Nous conservons notre liberté de choix. Il n’y a pas de fatalité, de déterminisme car toute situation est inhérente à notre histoire dont nous pouvons avoir la maîtrise. Rien n’est fixé à l’avance ou nécessairement évident.
Chacun de nous pourrait évoquer les doutes que nous avons et qui nous amènent à la question : est-ce que je fais le bon choix ?
Un exemple personnel
Je me revois, il y a maintenant longtemps, hésitant à partir pour un pays lointain. J’avais la chance, à l’époque, d’avoir avec ma grand-mère maternelle une relation privilégiée : je pouvais tout lui dire, elle était toujours à l’écoute, c’était ma confidente.
Elle ne m’a jamais dit : fais ceci, ou fais cela. Simplement elle m’amenait à réfléchir sur les raisons de mon choix et ce qui semblait être, de mon point de vue, le plus avantageux. Alors, partir de la maison m’apparaissait nécessaire. Je prenais mon indépendance, je comprenais que là, se jouait mon avenir. Il n’était cependant pas simple de quitter mes parents et surtout mes grands parents que je n’étais pas sûr de revoir. Quand j’ai annoncé à ma grand-mère que j’avais pris la décision de partir, elle m’a répondu : « oui, tu fais le bon choix ! »
Bien plus tard, je comprenais que ma grand-mère avait eu ce rôle d’accompagnatrice.
En fait, vous l’avez compris, le bon accompagnateur c’est celui qui a une écoute bienveillante et qui à aucun moment n’impose un choix…
Si nous attendons qu’un accompagnateur nous dise ce que nous devons faire, nous allons à l’encontre de notre capacité de raisonnement, de notre intelligence et donc de notre liberté. Cela est dangereux et nous risquons de nous fier à un gourou.
Les diverses formes d’accompagnement
Divers types d’accompagnement sont pratiqués : le coaching, connu dans le sport mais aussi dans les entreprises, qui nous amène à la découverte de nous-mêmes et de nos capacités actuelles à atteindre des objectifs définis ; le mentorat, qui est un partage de l’expérience pour un développement de carrière par exemple, et un soutien psychologique ; la thérapie, qui est une aide à la résolution de difficultés personnelles souvent en lien avec les soins que nous recevons ; le tutorat, qui accompagne une personne dans une situation de travail pour comprendre un fonctionnement et l’aider à progresser ; la formation, qui est l’acquisition ou perfectionnement de connaissances ; la psychanalyse, méthode thérapeutique d’analyse des mécanismes, conscients ou inconscients, du rêve, des souvenirs qui agissent sur notre psychisme ; la consultation, qui permet d’obtenir un conseil, une aide à la résolution d’un problème spécifique.
Qu’il soit individualisé, lors d’une rencontre en binôme (accompagné–accompagnateur), ou collectif (rencontres en groupe de partage ou communautaire), l’accompagnement est une relation d’aide bénéfique.
L’Accompagnement Spirituel (AS)
Pour un chrétien, être à l’écoute de l’autre est indispensable : nous parlerons alors d’Accompagnement Spirituel (AS). Il est dangereux pour un chrétien de rester seul. C’est à plusieurs, entre frères et sœurs dans la foi, que nous apprenons à discerner.
Écouter ce qu’un accompagnateur peut nous dire, qui n’est jamais un diktat « fais ceci ou fais cela », nous amène à comprendre ce que nous vivons et à discerner ce qu’il y a de mieux pour nous aujourd’hui : « quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon et capable de lui plaire » (Rom 12,2). Cela demande de part et d’autre beaucoup d’humilité.
La spécificité de l’Accompagnement Spirituel est le désir de progresser dans notre relation à Dieu à travers la confiance que nous avons dans les motions reçues de l’Esprit-Saint. Il nous permet de reconnaître ces motions de « l’Esprit qui donne sagesse et discernement, aptitude à décider et vaillance… » (Is 11, 2) et de les distinguer des autres sources de motivations de nos actes.
Ceci marque la différence avec toute autre forme d’accompagnement.
Une chose certaine que j’ai apprise et expérimentée à travers mes différents accompagnements, c’est qu’en mettant Dieu « dans le coup » on ne pouvait pas se tromper.
L’Accompagnement Spirituel ce n’est pas autre chose : c’est un frère ou une sœur qui m’aide à poser la question : « Jésus qu’est-ce que tu ferais à ma place ? »
Dans la prière et éclairé par l’Esprit Saint, le choix nous appartient et ne peut être que le bon choix, même s’il n’est pas celui auquel nous pensions de prime abord. Et ce choix, parfois déroutant, nous permet d’avancer.
Soyons clairs : l’Accompagnement Spirituel n’est pas une solution ou résolution automatique à tous nos problèmes. Ce qui est certain, c’est qu’il nous permet de mieux les comprendre et très souvent de les vivre intelligemment et sereinement.
Je peux témoigner qu’à bien des reprises j’ai vécu un grand apaisement après un accompagnement et une joie profonde dans l’affermissement de ma foi en comprenant que Dieu était là dans ma vie, même si parfois je ne le savais pas.
Jésus est venu à ma rencontre, le jour de mon anniversaire et grâce à mon accompagnateur, en relisant les épisodes de ma vie, j’ai compris qu’Il avait toujours été là.
Plus tard, alors que dérouté par des études de théologie durant lesquelles j’avais le sentiment de ne plus rien comprendre et de m’éloigner de Dieu, avec mon accompagnateur nous avons retracé le fil conducteur qui m’avait conduit là, mes motivations, le pourquoi de ces études et ce que cela m’apportait. Alors, je comprenais que plus j’approfondissais cette science de Dieu plus il était normal que j’éprouve cet éloignement, car Dieu est infini et la compréhension que nous pourrions avoir de ce mystère fait qu’il est impossible de s’en saisir… Dieu est le Tout Autre… Cela m’a permis de me dessaisir de cette volonté, en bonne partie inconsciente, de dévoiler ce mystère et d’être beaucoup plus serein, en découvrant cet amour tellement grand de Dieu pour sa créature qu’il reste pour nous, du fait de nos limites humaines, indéchiffrable et pourtant bien présent.
L’Accompagnement Spirituel et les liens intergénérationnels
Il m’a été donné, en d’autres occasions, de retracer avec mon accompagnateur l’histoire de ma famille : un ancêtre prêtre, un grand-père bourlingueur et aventurier, une grande sœur décédée de la malaria à Madagascar, un père assassiné en Indochine… Autant d’événements qui laissent des traces dans notre vie, que nous en soyons conscients ou pas. Avec un frère bienveillant, à l’écoute de la Parole de Dieu, j’ai découvert cette relation intergénérationnelle à laquelle nous sommes liés, mais avec cette chance formidable que nous avons, grâce à la prière des frères, de pouvoir couper les liens négatifs.
C’est aussi, grâce à mon accompagnateur, que j’ai appréhendé avec une grande sérénité ce lourd problème vécu avec l’une des enfants que nous accueillons (en tant que famille d’accueil) et dont l’attitude et le comportement me décevaient profondément ; à tel point, que dépassé par ces événements, je ressentais un violent rejet de cette enfant, doublé d’un sentiment de culpabilité : nous avons échoué lamentablement !
Alors, avec mon accompagnateur nous avons prié et retracé ensemble le parcours réalisé avec cette enfant tout au long des années passées chez nous. Ce que nous apprenions les uns des autres, la compréhension de son handicap, notre soutien et écoute, l’attitude des institutions concernées, la compréhension aussi de l’attachement profond de cette enfant à notre foyer et les progrès constatés sur le plan relationnel et de la confiance. Non, ce n’était pas un échec, mais une progression, dans la conviction de l’amour de Dieu pour cette enfant en souffrance.
Alors oui, je me place aujourd’hui à son niveau pour l’écouter, lui parler en l’accueillant telle qu’elle est, sans la juger. Je rends grâce à Dieu pour cela et l’accompagnement qui me place aussi face à mes limites grâce à un frère qui me permet d’être, avec lui, à l’écoute de l’Esprit Saint.
Parcourir ce chemin seul est beaucoup plus difficile. Je rends grâce au Seigneur pour ces accompagnateurs, officiels et officieux, qui m’ont permis de comprendre le chemin parfois tortueux sur lequel j’étais engagé et avec leur aide, de surmonter les obstacles. Cela m’a permis de grandir dans la foi.
Merci Seigneur pour tous ces frères et sœurs en Christ que tu m’as donnés et qui m’ont édifié.
Claude Turck
[1] Blaise Pascal, Pensées , fragment 414 (édition Brunschvicg ; 412 édition Lafuma), .
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