Edito : Consolez, consolez mon peuple ! (Isaïe 40,1)
Par Marie-Hélène Martin
Participant dans ma paroisse à la célébration des sépultures, j’ai pris l’habitude de conclure mon mot d’accueil en mentionnant « notre Père du ciel, Jésus son Fils ressuscité, et le Saint Esprit consolateur ».
Cette dernière formule a paru exotique à certain(e)s de mes « collègues », alors que pour moi cette épithète de l’Esprit Saint relevait de l’évidence : combien de fois depuis ma découverte des groupes de prière du Renouveau (1977 !) ai-je entendu et chanté : « O Roi céleste, consolateur, Esprit de vérité… » Alors pour en remontrer à ces pauvres paroissiens décidément ignorants, je me suis dit que j’allais chercher dans mon VTB (vocabulaire de théologie biblique) de quoi les convaincre que ma formule n’avait rien d’hérétique. Et là, totale déconvenue ! L’article « consoler » parle du Père et du Fils, mais pas de l’Esprit ! Alors, cherchons à «Paraclet », mot utilisé par saint Jean dans son évangile pour parler de l’Esprit, mot qui dérive bien, j’en suis sûre, du verbe grec qui veut dire consoler ; et je lis dans l’introduction à cet article, entre parenthèses, que la traduction de ce mot par « consolateur » vient probablement d’une fausse étymologie… Serais-je donc un peu trop orthodoxe et pas assez catholique ? Allons voir de ce côté-là pour démontrer que j’ai quand même de bonnes raisons de répéter ma formule ! Mais sous la plume de cette référence incontournable qu’est Olivier Clément, je retrouve le même démenti : « mieux vaudrait dire avec les Anglais le comforter, celui qui donne une vraie force »… (site pagesorthodoxes.net). Arrêtons donc là la polémique, car elle tourne à mon désavantage !
Ecoutons plutôt l’appel d’Isaïe « Consolez, consolez mon peuple ! » qui résonne en ce temps de l’Avent : ; car l’urgence s’en fait sentir violemment en cette fin d’année 2020, où tant de motifs de tristesse, de deuil, de frustration, de chagrin, se sont accumulés au cours des mois – alors que précisément nos frères et nos sœurs, et nous-mêmes, étions généralement privés de la consolation que nous puisons dans nos rencontres hebdomadaires et nos célébrations communautaires. Alors si je dois revoir ma formule, ce ne sera pas pour enlever à l’Esprit son rôle de consolateur, mais pour rapporter ce terme aux trois Personnes de la Trinité :
Car c’est bien Dieu qui a lui-même consolé son peuple (Is 49, 13), qui se présente même comme « Je suis celui qui vous console » (Is 51, 13), répondant aux appels de détresse de ce peuple affligé par l’exil (Is 12, 1). Celui-là même qui a puni sévèrement l’infidélité de son peuple sera celui qui va le restaurer, et c’est affirmé avec une telle constance que les chapitres 40 à 55 de ce prophète sont appelés « livre de la consolation d’Israël ».
C’est bien Jésus qui vient apporter cette « consolation d’Israël », laquelle se confond à l’aube de la Nouvelle Alliance avec la venue de ce Messie tant attendu : c’est ce que montre l’épisode de la présentation au Temple (Luc 2, 25-26) à travers la joie du vieillard Syméon, qui a pu, selon la promesse de l’Esprit, voir l’avènement du salut avant de mourir. Et plus encore que par sa naissance, c’est par sa résurrection et sa victoire sur la mort que le Christ nous a donné « consolation éternelle et heureuse espérance », de sorte que nos cœurs sont non seulement « consolés », mais aussi « affermis en toute bonne œuvre et parole » (2 Th 2, 16-17).
Et l’Esprit Saint lui aussi est bien consolateur, et pas seulement parce que dans le contexte de deuil où je l’invoque régulièrement, il peut inspirer du réconfort. Ne réduisons pas le sens de ce mot à toutes les «bonnes paroles » ou les gestes affectueux par lesquels nous tentons, souvent bien maladroitement, d’atténuer le chagrin des affligés. En nous exhortant à nous « réconforter les uns les autres » (1 Th 4, 18), Paul nous demande de faire preuve, grâce à la puissance de l’Esprit, d’une « vraie force », comme le dit Olivier Clément – cette force qui a été promise par Jésus à travers le don de l’Esprit Saint (Ac 1, 8). Une vraie force capable de nous faire surmonter les épreuves, de nous les faire vivre comme autant de moyens de « passer l’or au creuset », et surtout comme autant d’expériences qui nous rendent capables d’apporter à nos frères la consolation que nous avons nous-mêmes reçue : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toute notre tribulation, afin que, par la consolation que nous recevons nous-mêmes de Dieu, nous puissions consoler les autres en quelque tribulation que ce soit. […] Sommes-nous dans la tribulation ? c’est pour votre consolation et salut. Sommes-nous consolés ? c’est pour votre consolation, qui vous donne de supporter avec constance les mêmes souffrances que nous endurons, nous aussi. Et notre espoir à cet égard est ferme : nous savons que, partageant nos souffrances, vous partagerez aussi notre consolation ». (2 Cor 1, 3-7)
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