EDITO: ” Il suffit d’être patient”!

EDITO : « IL SUFFIT D’ÊTRE PATIENT » !

Marie-Hélène Martin

 

         Quand on a félicité ma mère pour l’exploit d’avoir atteint 97 ans (un mois avant sa naissance au ciel), elle a eu cette réponse pleine de la sagesse mêlée d’espièglerie qui la caractérisait : « oh, ce n’est pas difficile : il suffit d’être patient ! » Désormais cette formule, minimisant tout ce qu’il lui avait fallu de patience au long de sa vie, me revient aussi souvent que moi je me surprends à prononcer cette invocation : sainte Patience, priez pour moi ! Car voilà bien, avec l’humilité et la douceur, une « vertu à demander », comme le rappelle un de nos chants[1], paraphrasant l’épître de Paul aux Éphésiens (4, 2). Une vertu rudement mise à l’épreuve depuis plus d’un an, dans une crise sanitaire qui a mis à l’arrêt tant d’activités, tant de rencontres, tant de projets, exigeant que nous attendions patiemment un retour à la normale dont l’horizon n’a cessé de reculer.

 

            Or nous sommes bien souvent dans l’impatience, dans le « tout, tout de suite ! » : que notre ordinateur mette quelques secondes de plus à se mettre en route, et nous fulminons, mais qu’est-ce qu’il mouline ! Nous voudrions voir nos désirs réalisés au plus tôt, sans percevoir de combien les désirs de Dieu les dépassent de toute part. Nous sommes comme les « fils du tonnerre », Jacques et Jean, prêts à faire fondre le feu du ciel sur ce qui nous résiste (Luc 9, 55) ! On en a un autre exemple dans le dernier dialogue des disciples avec Jésus, au moment de son Ascension : ils lui demandent si c’est tout de suite, maintenant, qu’il va enfin rétablir la royauté d’Israël – et nous les trouvons bien ridicules d’en être encore à cette revendication « nationaliste », alors que Jésus va les envoyer « jusqu’aux extrémités de la terre » annoncer un tout autre Royaume (Ac 1, 6-8). Mais même quand leur attente est plus « noble », quand il s’agit par exemple du retour du Seigneur – qui a promis : « je viens bientôt » (Ap 22, 20) – l’impatience des premiers chrétiens oblige Pierre à justifier le « retard » que Dieu semble apporter à la réalisation de cette promesse : s’il agit ainsi, c’est qu’il « use de patience envers nous, voulant que personne ne périsse », et qu’il faut considérer cette « longanimité comme salutaire » (2 P 3, 9 et 15). C’est que le temps de Dieu n’est pas le nôtre, que pour lui « mille ans sont comme un jour » (Ps 90, 4) ; et qu’en outre, nous sommes loin de cette patience d’un Dieu « lent à la colère et plein d’amour » (Ps 103, 8), nous méconnaissons les « richesses de bonté, de patience, de longanimité » qui sont dans le cœur de notre Dieu, et sur lesquelles il nous faudrait prendre modèle (Rm 2, 4).

 

            « Il suffit d’être patient »… mais le plus souvent la patience est à conquérir sur nos mouvements spontanés d’humeur, que ce soit dans une épreuve particulière, ou tout bonnement dans les relations quotidiennes, en famille, au travail, en Église, dans nos groupes de prière, école de vie fraternelle ! Elle est même, pour certains tempéraments un peu vifs, à conquérir de haute lutte, car l’emportement et le préjugé, comme leurs noms l’indiquent, sont souvent nos premières pensées et nos premières réactions. C’est pourquoi les Proverbes bibliques mettent l’homme patient au-dessus du « preneur de villes » (Pv 16, 32) ! Heureusement, dans ce combat nous sommes aidés par cette force d’en haut que Jésus promet aux disciples impatients : la patience est en effet comptée au nombre des fruits de l’Esprit, qu’elle soit appelée longanimité (Gal 5, 22), ou constance et endurance (Col 1, 11). En nous revêtant de « tendre compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience » (Col 3, 12), nous nous mettons vraiment à l’école de Jésus « doux et humble de cœur » (Mt 11, 29). Quant à l’épreuve, elle ne fait que mûrir en nous cette persévérance confiante, puisque « la tribulation produit la constance » (Rm 5, 3 ; cf. aussi Jc 1, 2). Et elle nous rend dignes, par la foi et la persévérance, d’hériter comme Abraham des promesses de Dieu (Heb 6, 12).

Alors oui, il suffit d’être patient … et nous verrons la gloire de Dieu !

 

 

[1]N° 194 dans les carnets de chants de Fraternité Pentecôte.

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