Cinquante ans ! le Seigneur a fait pour nous des merveilles !
Témoignage de Marthe Chenot
À Saint-Dié, nous étions trois amies qui participions régulièrement à la messe du soir chez les sœurs de la Providence. Nous nous connaissions depuis trois ans, quand en 1973, naît en nous un désir nouveau : nous recueillir ensemble, en silence, le vendredi soir, devant le tabernacle fermé, à la chapelle des sœurs.
Nous ne le savons pas : c’est là l’embryon d’un groupe de prière. À cette époque, nous n’imaginons même pas que des groupes de prière puissent exister ! Ce qui a cours, ce sont les réunions d’action catholique, d’ailleurs nous en faisons partie. Chaque groupe est accompagné d’un prêtre.
Bientôt, les sœurs nous proposent d’ouvrir ce temps de recueillement aux personnes qui le voudraient, sous la forme d’une prière préparée, avec aussi des chants. Nous n’avions rien cherché, rien programmé. Le groupe de prière est né.
Le 1 er octobre 1974, en la fête de S te Thérèse, nous recevons un immense cadeau. C’est notre toute première rencontre avec le père Raymond Halter*. Elle sera suivie de beaucoup d’autres. (Le père Halter est aujourd’hui en voie de béatification.)
Quelques mois auparavant, en janvier 1973, il vient de vivre avec les étudiants de Bordeaux, une véritable Pentecôte qui a totalement renouvelé sa vie de prêtre. En arrivant dans les Vosges, il tient à faire part de cette expérience à notre évêque. Ce dernier, très prudent, lui demande de ne rien créer sur le diocèse pendant un an. Le Père Halter obéit. C’est précisément pendant cette année d’attente que notre groupe prend naissance ! Aujourd’hui, j’ai la conviction qu’il est une réponse à la prière de ce saint prêtre.
En 1974, donc, le père Halter nous contacte et nous propose de nous accompagner. Nous ne sommes pas loin du Concile. Nous avons grandi au temps où les chrétiens se rassemblaient pour
la messe, les vêpres, les complies en latin. Je crois en un Dieu bon, mais il est lointain, impersonnel. De mardi en mardi, le père Halter nous fait découvrir ce que dit la Parole de Dieu et nous explique comment les charismes sont donnés pour l’édification de l’Église. Il témoigne aussi de manière sobre.
Tout s’ouvre pour nous. Notre vie prend un goût d’aventure, tant ce qui se dévoile à nos yeux est nouveau et grand. Nous découvrons la présence du Seigneur dans nos vies et dans les évènements. Nous le voyons retourner en grâce, avec beaucoup d’humour, toutes les situations difficiles. Notre joie est débordante. Heureusement ! car ce temps est aussi un temps de rude combat. Nous nous heurtons à beaucoup d’incompréhension et de réflexions vives, surtout de la part des prêtres. Ils ne supportent pas le mot ‘’charismatique’’. Ils ne voient donc pas quelle grâce est donnée ! Nous avons le sentiment que Satan leur maintient un bandeau devant les yeux.
Eh bien oui, le Renouveau charismatique arrive dans l’Église comme un courant inattendu. Il pose question et dérange. Ne faut-il pas être exalté pour louer spontanément le Seigneur et, de plus, à voix haute, et les mains levées ! On n’a jamais vu ça !
1975 : Le Père Halter part en Moselle. Sans lui, nous nous sentons bien pauvres mais notre petit groupe de prière continue. Notre évêque demande à nous rencontrer. Il craint l’exaltation. Il nous écoute et nous dit, toujours très prudent :– ‘’Je ne peux pas vous empêcher de prier, mais surtout, pas de prosélytisme !’’
Bientôt, des groupes naissent spontanément sur le diocèse. Notre évêque demande à son vicaire général, le père Louis Antoine, de veiller sur ce qui se passe. Ce dernier est extrêmement réticent. Il vient en traînant les pieds, mais il accomplit sa mission. Après avoir assisté pour la première fois à un week-end, il s’écrie : – ‘’Je ne veux pas que se renouvelle une chose pareille !’’ Les membres des différents groupes décident alors de le porter tous ensemble dans la prière. Nous le voyons, petit à petit, laisser tomber ses barrières, sur plusieurs années quand même.
Nous respectons toujours strictement la consigne de notre évêque : – ‘’Pas de prosélytisme !’’
Pourtant, des jeunes nous rejoignent au groupe de Saint-Dié. Je n’ai jamais su comment ils étaient venus. Ils sont fidèles aux réunions du mardi, mais ils nous quittent bientôt, pour consacrer leur vie au Seigneur, là où il les appelle.
Notre groupe est ainsi devenu une véritable pépinière de vocations. Peut-être certains d’entre eux, qui doivent être seniors aujourd’hui, vont-ils lire ce témoignage et se reconnaître ? Il en est trois dont je n’ai plus eu de nouvelles. Peut-être ont-ils changé d’orientation de vie entre temps ? Je ne sais pas. Mais je serais étonnée, en tout cas, qu’ils aient quitté le Seigneur ! Voici ce qui se passe :
– Véronique, après sa première année d’enseignement chez les sœurs de la Providence, entre à la communauté des Béatitudes.
– Chantal, toute jeune institutrice elle aussi, quitte son poste à l’institution Ste-Marie et part sur Paris pour se rapprocher d’une communauté nouvelle.
– Michel laisse sa famille dans les Vosges pour consacrer sa vie à la pastorale des Orphelins Apprentis d’Auteuil. Il s’y donne tellement qu’il aura du mal à partir en retraite.
– Marie-Noëlle, jeune fille très dynamique, entre dans une communauté nouvelle dans l’Aisne. (communauté qui n’existe plus aujourd’hui). Elle travaillera ensuite à la pastorale des jeunes de ce
diocèse. Je l’ai rencontrée un jour à Lourdes ! Elle accompagnait d’ailleurs un groupe de jeunes.
– Claude à qui le Seigneur accorde une grande guérison, vend son commerce et devient responsable d’une maison chez les Chiffonniers d’Emmaüs.
– Josiane qui fréquente l’Abbaye d’En Calcat, est consacrée comme oblate.
– Anne-Marie part à Metz étudier la théologie. Après plusieurs années dans la pastorale des jeunes, elle donnera des cours de théologie à des séminaristes, en Afrique et outre Atlantique. Elle prendra ensuite d’autres orientations professionnelles, le Seigneur étant toujours la source de sa vie.
– Odile devient ‘’alliée du Puits de Jacob’’ et part sur Strasbourg.
– Pour ma part, c’est avec passion que j’ai pu annoncer l’Évangile à mes jeunes élèves, dans l’enseignement catholique.
Outre ces vies saisies par le Seigneur et plusieurs guérisons accordées, de beaux fruits ont mûri : présence des membres du groupe de prière dans tous les services de la paroisse ; redécouverte de la Parole de Dieu. Sœur Élisabeth donne des enseignements bibliques sur le diocèse. Le besoin étant important, des laïcs se forment bientôt pour ce service de la Parole de Dieu.
Le groupe de prière est marial depuis ses débuts : Odile, chez qui il a commencé, a été formée dans les foyers de Charité. Le Père Halter est Marianiste. C’est plusieurs années après sa naissance qu’il reçoit son nom : ‘’Magnificat’’.
J’ai quitté les Vosges. Lors d’un passage à St-Dié l’an dernier, j’ai appris que le groupe devenu tout petit, se réunissait toujours. De mardi en mardi, cinquante années de fidélité ! … en réponse à la fidélité de Dieu. Aujourd’hui, après avoir vu tant de belles choses, je crois pouvoir dire avec le recul de l’âge : ‘’Je n’ai pas cherché le merveilleux. Pourtant, j’en ai vu ! Non ! j’ai cherché Dieu et il a fait des merveilles.’’ C’est le cœur débordant de joie et de reconnaissance que je rends grâce avec Marie :
« Magnificat ! – Seigneur, avec les pauvres et les petits, tu fais de grandes choses ! »
*NDLR : pour en savoir davantage sur le Père Raymond Halter : ICI ou LA
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