Le Saint-Esprit peut-il nous conduire pas à pas ?
(Article publié en novembre 2021 par la Commission Doctrinale de Charis)
Souvent nous vivons notre vie chrétienne comme s’il nous fallait nous débrouiller tout seuls. Nous nous tournons vers Dieu en lui demandant sa force, ses charismes, et lorsque nous sommes vraiment perdus, nous lui demandons de nous guider. Mais souvent nous ne pensons à lui qu’au début et à la fin de notre journée, lorsqu’il nous donne ses instructions et attend que nous revenions « mission accomplie ». La question est la suivante : devons-nous aspirer à être conduits pas à pas, décision après décision, par l’Esprit Saint ? Pouvons-nous laisser l’Esprit être la source constante de notre conduite ? Les évangiles présentent Jésus comme étant conduit par l’Esprit dès le début de son ministère public : il est « conduit » et même « poussé » par l’Esprit dans le désert (Mt 4, 1 Mc 1, 12), puis en Galilée (Lc 4, 14). Luc insiste que Jésus le fait « rempli de l’Esprit Saint », qui vient juste de descendre sur lui dans le Jourdain (Lc 4, 1).
De la même façon, le vieillard Siméon “part dans l’Esprit” au Temple où Jésus est présenté le huitième jour (Lc 2, 27). Philippe est conduit à rencontrer l’eunuque éthiopien, ministre de la reine : l’Esprit conduit Philippe à parler avec lui, à lui expliquer les Ecritures et à le baptiser, puis il l’emmène avec lui (Ac 8, 26.29.39). Pierre aussi est poussé par l’Esprit à rendre visite à des païens (cf. Ac 11, 12), de même que Paul et Silas sont empêchés par l’Esprit d’aller en Asie ou en Bithynie (Ac 16, 6-7).
Les Pères de l’Eglise et les théologiens ont développé la dimension de la vie dans l’Esprit sous le titre « dons de l’Esprit ». La liste traditionnelle, inspirée par Isaïe 11, 2, comprend la sagesse, l’intelligence, le conseil, la force, la science et la crainte du Seigneur. Saint Thomas d’Aquin explique que même si la foi, l’espérance et la charité nous attirent vers Dieu et nous transforment, nous avons néanmoins besoin d’aide pour pouvoir choisir concrètement la bonne voie et prendre les bonnes décisions pour vivre cette transformation. Le fait d’être chrétien n’entraîne pas seulement de faire le bien en général ou de vivre une vie conforme à l’Evangile ; cela signifie d’obéir au Seigneur dans tous les détails de notre vie. Pour Thomas d’Aquin, les dons de l’Esprit nous y aident car ils nous disposent à nous laisser conduire par l’Esprit: « Les dons de l’Esprit Saint… Nous aident à suivre l’impulsion qui nous est communiquée par l’Esprit. » Il développe également l’idée magnifique de l’ « instinct de l’Esprit Saint ». Plutôt que de recevoir une sorte de connaissance dont nous userions comme si elle venait de nous-mêmes, l’Esprit fait de nous des « instruments » plus attentifs et plus obéissants dans les mains de Dieu.
Ces dons font partie de la vie chrétienne normale, mais il n’en demeure pas moins qu’il faut les demander et les entretenir. Le pasteur David Du Plessis – leader clé du mouvement pentecôtiste – en était un vivant témoin. Sa première pensée lorsqu’il se réveillait le matin était de saluer ainsi l’Esprit Saint : « Bonjour Saint-Esprit, je t’aime ». Et il continuait ainsi : « Saint-Esprit, conduis-moi pas après pas aujourd’hui, je suivrai chaque première intuition pour toute décision à prendre. » C’était pour lui une façon de « défier » le Saint-Esprit de l’aider et de l’inspirer. Du Plessis avait ses plans et ses rendez- vous, mais il se sentait libre de les modifier si son intuition l’orientait dans une autre direction.
Il est évident que si nous voulons vivre sous la conduite de l’Esprit Saint de façon aussi immédiate, il nous faut constamment discerner si c’est vraiment sa voix que nous entendons. Les termes « intuition » et « instinct » indiquent que le premier accès à cette conduite que nous avons est une sorte de « ressenti ». Saint Ignace de Loyola, qui a développé un enseignement sur le discernement très profond et très précis est d’accord pour dire que le « moyen » (medium) du discernement, par lequel l’Esprit nous conduit, ce sont nos émotions. La paix et la joie peuvent nous montrer la voie à suivre, le trouble et le dégoût nous montrer que nous devons en prendre une autre. Cependant ces émotions ne sont qu’un moyen, elles ne sont pas la voix de l’Esprit lui-même. Il est nécessaire de former notre esprit à comprendre à quoi l’émotion réagit, à demander conseil aux autres – étant donné que l’Esprit est à l’œuvre à travers la fraternité de l’Eglise – et de garder les yeux ouverts sur les conséquences, vu que seul le fruit de nos décisions apportera une confirmation pleine et entière.
Nous devons aussi apprendre à discerner la voix de l’Esprit, à lui permettre de nous être de plus en plus familier, à travers la prière régulière et la méditation des Ecritures, par lesquelles l’Esprit parle clairement.
En conclusion, oui, laissons-nous conduire pas à pas par l’Esprit Saint, car c’est ainsi qu’il veut agir pour nous. C’est possible si nous nourrissons les « dons de l’Esprit » et que nous grandissons dans le discernement.
Soyez le premier à commenter