
“La ferveur” et “Comment demeurer en Dieu”
par sœurs RUTH ET TABITHA
Transcription Marie-Hélène Martin
La ferveur (sœur Ruth)
Ici au Laus, le Ciel a rejoint la terre, mais le royaume de Dieu est présent au milieu de nous et il faut qu’on le réalise de plus en plus par la grâce de notre baptême, chaque jour de notre vie ; Benoîte a eu des grâces particulières, mais tous, parce que nous sommes enfants de Dieu, baptisés, nous sommes appelés à vivre cette continuité dans la présence du Royaume.
Comment durer, demeurer jour après jour, dans la présence de Dieu, comment grandir dans la présence de Dieu ?
Les premiers chrétiens se sont posé la question ; chaque jour pendant les persécutions, ils risquaient leur vie, chaque jour pouvait être le dernier : cela entretenait une ferveur dans leur cœur. Quand l’Empire est devenu chrétien, l’Esprit Saint a soufflé dans le cœur de certains qui sont allés au désert (naissance du monachisme) pour rester dans la ferveur. Lors de cette session, le Seigneur va nous apporter quelque chose de concret, de simple, de pratique, dans le quotidien ; il va apporter une lumière en nous pour que nous réalisions qu’au fond de nos cœurs il y a une source spirituelle qui veut se déployer encore plus dans nos vies.
Demeurer dans la présence de Dieu, dans la ferveur, n’est pas d’abord de l’ordre du « faire » mais de « l’être »
Le pape François nous le dit dans Christus Vivit (§ 262) : sans des moments prolongés d’adoration, de rencontre priante avec la Parole, d’intimité avec le Seigneur, les tâches se vident facilement de sens, nous nous affaiblissons à cause de la fatigue et des difficultés, et la ferveur s’éteint. Dans notre vie quotidienne, nous en faisons tous l’expérience, il y a des hauts et des bas ; on est invité à comprendre les enjeux de ce qui se passe alors pour demeurer enraciné. Si on n’est pas enraciné dans la présence de Dieu, les tâches (c’est-à-dire l’offrande de notre quotidien à Dieu qui porte du fruit) se vident de sens. C’est un vrai encouragement pour nous de réaliser combien jour après jour, ce don de la ferveur nous est donné pour notre quotidien.
Dieu veut nous donner sa grâce, et jour après jour nous avons à demander et à accueillir la grâce de Dieu. Nous sommes appelés à vivre plus, dans notre être (nous ne sommes pas dans le faire). Au-delà de tout ce que nous traversons, Dieu peut venir à notre secours, parce que nous lui avons dit un « oui », et nous avons compris que nous devons laisser Dieu être Dieu dans nos vies. Nous avons besoin de nous encourager les uns les autres à demeurer dans la ferveur.
Quand on voit l’histoire de l’Église, on s’aperçoit que les grands changements dans l’Église se sont produits parce que l’Esprit Saint a trouvé des personnes qui étaient dans la ferveur, et donc disponibles pour que les réveils puissent advenir ; et c’est de notre responsabilité, à chacun de nous, car tous nous avons une place unique dans l’Église, et chacun doit la prendre spirituellement.
Le pape François nous parle aussi de la croissance spirituelle (§ 161). Quand on demeure dans la ferveur, on avance. Dans la vie, on ne peut pas être stable. À certains moments nous savons que nous avons passé un cap important, nous atteignons une certaine stature, nous avons nos habitudes spirituelles (notre groupe de prière…) et nous pourrions croire qu’on peut se poser, que nous sommes arrivés ; mais non, dans la vie spirituelle, soit on monte, soit il y a quelque chose qui décline, et donc si on perd la ferveur, nous tombons dans l’habitude et nous ne nous laissons plus renouveler, sans cesse, par l’Esprit Saint. Là je vous parle vraiment de ce jardin secret que l’on a avec Dieu, de notre cœur à cœur avec lui.
Notre pape nous dit : croître et grandir, c’est être ouvert à purifier ce qui n’est pas bon, et à recevoir de nouveaux dons de Dieu, qu’il t’appelle à développer. Parfois le complexe d’infériorité peut te conduire à ne pas vouloir vaincre tes défauts et tes faiblesses, et tu peux de la sorte te fermer à la croissance et à la maturation. Il est mieux de se laisser aimer par Dieu, qui t’aime comme tu es, qui t’estime et te respecte. Dieu nous propose toujours plus, plus de son amitié, plus de ferveur dans la prière, plus de faim de sa Parole, plus de désir de recevoir le Christ dans l’eucharistie, plus de désir de vivre son évangile, plus de force intérieure, plus de paix et de joie spirituelle.
Faisons mémoire des passages de Dieu dans nos vies : voyez l’attitude de cœur que nous avions dans ces moments-là, on doit sans cesse y revenir ; c’est dans cette attitude que quelque chose grandit, et on s’attend à la nouveauté de Dieu, pour nous-mêmes, pour le monde, pour l’Église, pour ceux qui nous entourent ; on s’attend à plus. Dieu nous propose, donc c’est une invitation, je peux y répondre ou ne pas y répondre, mais Dieu nous propose toujours plus, de renouveler notre intelligence, pour nous emmener plus loin que ce que l’on comprend. On n’est jamais arrivé. Laissons nous vraiment bousculer par le Seigneur : la ferveur doit nous faire désirer toujours plus. Dans cette attitude là nous sommes comme des serviteurs qui attendent l’arrivée du maître, qui sont prêts, pour que le Seigneur puisse se servir de nous comme il a besoin, pour consoler, guérir, encourager, prendre soin… Le Seigneur a besoin de fervents serviteurs.
Si notre cœur est ouvert et disponible, on peut répondre aux appels de l’Esprit Saint.
Dans La joie de l’Évangile (§ 10), le pape François nous propose de vivre à un niveau supérieur, et pas pour autant avec une intensité moindre ; « la vie augmente quand elle est donnée, elle s’affaiblit dans l’isolement et l’aisance » … « ceux qui tirent le plus de profit de la vie sont ceux qui mettent la sécurité de côté et se passionnent pour la mission de communiquer la vie aux autres » ; viens raviver Seigneur ces promesses de vie, de bénédiction, de joie, que tu as déjà semées dans nos cœurs, pour que nous puissions communiquer la vie aux autres !
Il est important de réaliser que, autour de nous, dans la société qui nous entoure, il y a de vrais freins à la ferveur, et le pape nous en cite plusieurs : l’accentuation de l’individualisme, une crise d’identité, un pessimisme stérile, et tout cela entraîne une baisse de la ferveur dans l’Église et dans le monde. Face au pessimisme, il nous redit (§ 84-85) : « La joie de l’Évangile est celle que rien et personne ne pourra jamais enlever ». Les maux du monde et de l’Église ne doivent pas être des excuses pour réduire notre engagement, au contraire prenons les comme des défis pour croître. Le regard de foi est capable de reconnaître la lumière que l’Esprit Saint répand toujours dans l’obscurité. Sans oublier que là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé.
Une des plus fortes tentations qui étouffe la ferveur et l’audace est le sens de l’échec qui nous transforme en pessimistes mécontents et déçus, au visage assombri ; nul n’engage une bataille si auparavant il n’espère pas pleinement la victoire, et « celui qui commence sans confiance a perdu d’avance la moitié de la bataille et enfouit ses talents. »
Les promesses de Dieu, elles sont là, sur nos vies, et on sait qu’à la fin, c’est lui qui gagne. On a des promesses de vie éternelle. Quelles que soient les contrariétés, les difficultés, même si on a du mal à l’entendre quand on est au cœur de l’épreuve, Dieu est notre roc ; on ne marche pas sur du sable mouvant, on est enraciné dans ce roc. La foi est un don de Dieu, et quand on maintient la ferveur dans nos vies, cela nous permet de résister aux grosses vagues de découragement.
Comment demeurer en Dieu (sœur Tabitha)
Dans notre vie personnelle
Personne ne peut être fervent à ma place ; n’attends pas de ton voisin, de ton groupe de prière, qu’il soit fervent à ta place ! Il est de ta responsabilité, avec l’aide du Saint Esprit, de te maintenir dans la ferveur.
Ferveur, fidélité et persévérance sont indissociables ; on a besoin de rester fidèle aux promesses de Dieu sur nos vies : c’est une constante, que l’on soit petit ou nonagénaire, que de s’appuyer sur ces promesses qui nous concernent tous (il y en a des quantités, mais par exemple Dt 30, 19 « choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité »). Va voir dans la bible la promesse qui te correspond !
Dans les promesses qui nous concernent tous, il y a celle du Saint Esprit (Luc 11, 13) : j’apprends la ferveur tous les jours en accueillant le Saint Esprit, et en l’accueillant, il me donne une vie fidèle. Il faut peut-être seulement penser à le demander ! Tous les jours je peux vivre en enfant de Dieu, mener cette vie filiale dans laquelle le Saint Esprit nous fait rentrer tous les jours, à partir du moment où je le lui demande le matin quand je me lève.
Il y a des promesses particulières pour chacun, il y a des promesses qui sont pour moi, pour ma vie : j’entre dans le rêve de Dieu lorsqu’il m’a créé(e), un rêve différent pour chacun, pour quoi il m’a fait(e) ; et j’apprends à être fervent et fidèle dans son appel. Je ressaisis les grâces de Dieu sur ma vie, les moments où Dieu a parlé sur ma vie, en nous disant qui nous sommes tout simplement ; il n’a sans doute pas dit beaucoup de choses, mais une, deux, trois, et de temps en temps on les entend encore, on sait qu’il l’a déjà dit, et on continue à attendre quelque chose au lieu de rentrer dans les promesses qu’il a déjà faites et de les déployer. Vivons ce que Dieu a dit sur nos vies.
Dans la vie sacramentelle
On ne peut pas dissocier la vie sacramentelle du reste, pour être fidèle, persévérant et fervent.
– l’Eucharistie ; quelles que soient les circonstances, Dieu est le même dans l’eucharistie, sa gloire se déploie de la même façon, même là où c’est tellement pauvre : arrivons avec un cœur fervent ; et même si on ne communie pas, Dieu est capable de nous remplir de façon extraordinaire. On a besoin d’expérimenter que ce n’est pas l’environnement qui compte, mais que Dieu est là et que c’est lui qui nous rend fervents.
– la confession ; je dépose tout ce qui me pèse, ce qui m’empêche d’avancer dans la ferveur.
– notre vie de prière ; on ne peut pas attendre que les autres mènent notre vie de prière ! Si je ne prends pas tous les jours un temps de prière, il y a quelque chose qui va finir par s’étioler. J’ai besoin de ce temps privilégié, de ce contact avec le Seigneur ; c’est ultra nécessaire comme manger, comme boire, il faut que ça devienne comme ma respiration ; quoi que je fasse, même quand je travaille, mon cœur est associé à Dieu et c’est ça qui fait ma ferveur dans les bons comme dans les mauvais moments, c’est ça qui m’apprend à garder la ferveur. Dans un grand rassemblement je me remplis de ferveur, mais si ensuite je ne prie pas, ce que j’ai reçu ne tient pas ; je dois mettre Jésus à la première place dans ma vie.
– la parole de Dieu ; pas seulement les textes du jour, mais toute la bible ; on doit retrouver la saveur de la parole, et sa consistance en termes de ferveur. Dieu nous parle, il nous restaure et nous forme, nous travaille . Elle doit être une nourriture pour notre vie. Hébreux 4, 12 « vivante est la parole de Dieu… »: il y a une puissance extraordinaire dans la parole de Dieu, qui est sous-exploitée !
La ferveur dans la mission
On n’est pas fervent pour soi, on n’est pas chrétien pour soi. Nous sommes chrétiens parce que le monde a besoin de voir nos visages rayonnants et lumineux de la gloire de Dieu, même quand on est dans l’épreuve, et Dieu nous équipe, nous rend fervents ; nous avons à apprendre à être fervents dans la mission.
La mission, ce n’est pas partir au loin, ça peut être auprès du boucher du coin, du malade à l’hôpital, dans le train, dans la rue… Il y a plein d’occasions, même pour ceux qui ont des problèmes de santé et qui peuvent être dans l’intercession ; quand ça va mal, on a tendance à se regarder et à se plaindre, alors que si on se place dans la mission, le Seigneur passe à travers nous, quel que soit notre état, et ça nous fait vivre nos situations difficiles de façon différente.
Dans nos groupes de prière
On doit apprendre la ferveur aussi sur le plan communautaire. Il faut être fidèle, fervent et persévérant dans la vision de pourquoi Dieu a suscité ce groupe de prière. Le groupe de prière qui s’appelle « Marie Porte du Ciel » n’a pas les mêmes grâces que celui qui s’appelle « la Source ». Qu’est-ce qui a été prononcé comme bénédiction, comme grâce spécifique, à la naissance de ce groupe ? Ne regardez pas le groupe d’à côté. Si on veut que le groupe s’étoffe on a besoin de retrouver la vision que Dieu avait sur ce groupe de prière (Prov 29, 18 : « faute de vision, le peuple périt »). Se retrouver pour chanter et louer, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant : il y a un appel sur ce groupe de prière.
On apprend la ferveur dans la charité fraternelle, dans l’accueil les uns des autres, dans la joie de se retrouver ensemble ; on se sent comme en famille, mais ce n’est pas suffisant : il faut de la ferveur dans l’accueil de ceux qui arrivent, pour qu’ils puissent trouver leur place ; un nouveau qui arrive, comme un enfant dans une famille, forcément que ça va changer les choses. Il faut être fervent des deux côtés : celui qui arrive et qui va apporter ses charismes, son potentiel, et le groupe qui doit lui laisser sa place.
Être persévérant ensemble dans la ferveur : arriver avec un cœur qui est déjà fervent, et pas pour déposer ses problèmes. Cela ne veut pas dire que dans la charité fraternelle on ne va pas porter les problèmes les uns des autres et s’épauler ; mais on ne vient pas pour ça. On vient pour rencontrer Dieu avec la certitude que quelque chose va se passer. Si vous pensez : « ce soir je n’ai pas envie de venir, je suis trop fatigué, etc. », faites cette prière là dans la voiture !
Un groupe de prière, c’est un lieu de mission : si le nouveau qui arrive vous entend prier comme ça, est-ce qu’il va avoir envie de rester ? J’ai l’impression que cela crée une espèce de chape de plomb qui se met sur nous. Inversement si on arrive tout joyeux en disant « c’est mon anniversaire », ce n’est pas non plus le but du groupe de prière que de le fêter… Il faut dépasser le niveau émotionnel. Attendez vous à ce qu’il se passe quelque chose, attendez vous à la nouveauté !
Ce n’est pas grave si vous bousculez vos habitudes, vos programmes, car vous allez voir que Dieu va passer et vous renouveler. Il y a quelque chose que Dieu veut faire maintenant ; c’est Dieu qui fait, mais c’est de notre responsabilité d’arriver avec un cœur fervent, parce que je sais que quelque chose va se passer, et j’arrive pour voir la gloire de Dieu qui va se déployer dans ce groupe, et pas pour ressortir encore plus fatiguée que quand je suis arrivée !
J’ai envie de ressortir en me disant que j’ai touché Dieu du doigt et que je vais en vivre pour ma semaine. Est-ce que c’est ce que vous voulez voir dans vos groupes de prière ?
Ce n’est pas parce qu’on a chanté un chant au Saint Esprit qu’on est forcément fervent dans le Saint Esprit. On a déconnecté quelque chose de l’expérience spirituelle du Saint Esprit. Si vous voulez que le Saint Esprit fasse des signes et des miracles dans vos groupes, il faut arriver avec le Saint Esprit dans votre cœur. On peut très bien ne pas chanter de chant au Saint Esprit et pourtant il se passe des choses dans le groupe, si on arrive avec le cœur fervent et plein du Saint Esprit ! Si dans votre prière personnelle vous l’avez prié toute la semaine, il est capable de se déployer quand vous arrivez dans votre groupe, et on n’a pas besoin d’attendre le chant en langues, car la ferveur de votre cœur va se déverser. Le Saint Esprit nous précède, il n’attend pas qu’on ait tout mis en place pour arriver, heureusement pour nous, car une heure et demie, ça passe vite !
Dans le groupe de prière, même s’il n’y a pas de grands charismes de louange, nous apprenons à louer le Seigneur, jusqu’à entrer dans l’adoration, et on apprend à être dans l’adoration, jusqu’à ce que la gloire arrive.
On apprend à être persévérant dans cet état. La louange n’est pas un but en soi, et on sent l’atmosphère qui change quand on rentre dans l’adoration. Et on a besoin dans nos groupes de réapprendre comment vivre la louange, comment le Saint Esprit prend le contrôle, et on laisse le Saint Esprit agir dans l’adoration, faire ce qu’il veut comme il veut, quand il veut. C’est incroyablement reposant ! Parfois déstabilisant, on est d’accord…
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