La question de l’oecuménisme

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Regard dans le rétroviseur : la question de l’œcuménisme

Marie-Hélène Martin, du pôle communication de FP

 

 

Dès les premières parutions d’un bulletin de liaison des groupes de prière, on voit que la dimension œcuménique fait partie de l’ADN du Renouveau. En 1991, la rencontre internationale de Brighton[1] donne l’occasion de brefs témoignages dans le n°5 de la petite plaquette qui s’appelle encore simplement « Pentecôte ». Une étape est franchie en janvier 1996 : dans son éditorial, le p. Joseph Boishu fait remarquer le changement de titre, devenu « Pentecôte aujourd’hui », pour ne pas concurrencer le mensuel « Pentecôte » des Assemblées de Dieu, déjà fort de 50 ans de publication. La petite pousse se met volontairement à l’ombre du grand arbre ! Mais dans cet éditorial intitulé « Qu’ils soient un ! », le p. Boishu rappelle également deux dates-clés. La première marque en quelque sorte l’acte de naissance de la préoccupation œcuménique, en 1910, quand une délégation venue d’Extrême-Orient à la conférence des Sociétés protestantes, à Edimbourg, exprime son dépit devant les divisions qui nuisent à la prédication de l’évangile. La deuxième correspond à la parution de l’encyclique de Jean-Paul II, « Ut unum sint », en 1995, à l’aube du nouveau millénaire, invitant à « demander au Seigneur, avec un élan renouvelé et avec une plus grande maturité de la conscience, la grâce de nous disposer tous à ce sacrifice de l’unité. »

Où en sommes-nous quelque trente ans après ?

Il me semble que nous pouvons encore tirer grand profit de la réflexion proposée dans ce n° 22 de « Pentecôte aujourd’hui » (janvier 1996),

 

par le Pasteur Paul Bechdolff, de l’Eglise Réformée de France[2].

Dieu appelle les chrétiens charismatiques

à travailler à l’unité de son Eglise

Être œcuménique, c’est désirer profondément l’unité des chrétiens ; c’est s’engager dans la prière pour l’unité mais aussi dans la marche vers l’unité ; c’est donc marcher avec Dieu dans ce XXe siècle.

Pourquoi nous, charismatiques, sommes-nous appelés à être œcuméniques ?

Tout d’abord pour les mêmes raisons que tous les chrétiens en ce siècle et toujours : elles tiennent toutes dans la prière du Christ (Jn 17, 20-24). L’unité des croyants, fruit et image de la communion avec le Dieu trinitaire, est prédication de l’Évangile pour que le monde croie. Le poids lumineux de la présence de Dieu, le Saint Esprit, est la source de cette communion avec Dieu et entre nous.

Nos divisions sont toujours le fruit de notre résistance à l’Esprit Saint. Ces réalités concernent tous les chrétiens et nous obligent tous.

 En tant que charismatiques, nous avons un certain nombre de points supplémentaires pour nous engager dans l’œcuménisme :

Au début, le mouvement charismatique a été appelé mouvement de Pentecôte (ou Pentecôtisme) car sa caractéristique est de reproduire dans notre siècle ce qui était dans le premier siècle : la venue du Saint Esprit sur les croyants, accompagnée de charismes qui sont une puissance pour l’évangélisation.

 

Tout a repris vigueur dans le message de Pentecôte et, en particulier, l’annonce de la venue prochaine du Christ, les derniers jours (Ac 2, 17). Les noces de l’Agneau avec son Église sont proches ; c’est pourquoi le travail de préparation de l’Épouse pour les noces s’intensifie. Et dans ce travail de préparation, il y a la reconstruction de l’unité des croyants (ce qui explique tout le travail œcuménique de notre temps et ses progrès). Notre perception par l’Esprit Saint de ces temps nouveaux et derniers nous pousse dans le chemin de l ‘unité.

 

Il faut aussi bien comprendre ce que Dieu a fait et fait pour l’unité de son Église par la manière dont s’est répandue l’effusion de l’Esprit. En effet, le baptême du Saint Esprit avec le renouveau des charismes pour tous, a d’abord été donné, au début de ce siècle, à des chrétiens préoccupés de la force missionnaire et dans des Églises très populaires. Il n’a pu alors se répandre qu’en dehors des principales Églises pour former une nouvelle confession, le Pentecôtisme. Mais à partir des années 30 en France (en Ardèche), et principalement, dans les années 50, des membres de la Pentecôte ont permis le passage de cette bénédiction dans les Églises protestantes et épiscopaliennes, en Europe comme aux États Unis. Citons le ministère de David Duplessis, et l’impact de l’expérience de David Wilkerson auprès des drogués, racontée dans son livre “La croix et le poignard”.

De même, en 1967, la naissance du Renouveau dans l’Église catholique des États Unis, née de la recherche spirituelle de membres de l’Église catholique, est liée au contact avec des chrétiens d’autres Églises. Cette bénédiction est passée dans les communautés évangéliques dans les années 1980 de la même manière. Ainsi Dieu n’a fait aucune distinction de personnes selon leur confession, mais il a répandu son Esprit sur tous indistinctement et il continue à le faire.

 

Cette joie que nous avons connue en France dans les années 71-74 d’être entremêlés par Dieu dans la réception du saint Esprit est fondamentale pour le Renouveau. C’est une œuvre de Dieu particulière à notre siècle : pour refaire l’unité de son Église, Dieu nous oblige à nous rencontrer, à nous reconnaître, à dépendre les uns des autres.

 

Dans le livre des Actes, chaque Pentecôte correspond à l’adjonction d’un nouveau groupe humain à l’Église pour qu’elle soit une. Aujourd’hui, ces avancées successives du Renouveau dans les confessions différentes ont le même but : nous réunir les uns aux autres dans l’unité.

Enfin, quand nous sommes réunis, nous découvrons que nous partageons les réalités fondamentales de l’Évangile : foi au Christ, repentance et conversion, nouvelle naissance, accès direct au Père par le Christ et l’Esprit Saint, écoute de la Parole de Dieu, amour fraternel, en sorte que l’unité entre nous ne soit pas seulement un effort mais soit d’abord une action de l’Esprit.

Mais la disproportion des nombres dans notre pays rend la prise de conscience de cette réalité difficile : beaucoup de catholiques ont reçu l’effusion de !’Esprit sans qu’il y ait une présence visible et concrète de protestants ou d’évangéliques avec eux. Mais aussi beaucoup d’évangéliques ont été baptisés du Saint Esprit dans un contexte de méfiance vis-à-vis de l’institution romaine. Du coup, le réflexe naturel identitaire a joué contre la réalité œcuménique du Renouveau : qu’est-ce que Dieu fait quand Il nous met ensemble sans nous rendre rigoureusement semblables ? Est-ce possible de se rencontrer, de prier et de servir ensemble quand on n’est pas identiques les uns aux autres ? Pourtant l’expérience des uns et des autres est authentique.

Heureusement, il y a aujourd’hui beaucoup de lieux où, de façons diverses, la réalité œcuménique s’affirme parmi les charismatiques.

Alors que faire ?

  • RÉUNIR les enfants de Dieu dispersés. Les faire se rencontrer, se découvrir, se reconnaître comme enfants de Dieu. Pour cela, nous rechercher les uns les autres. Cette démarche est plus facile pratiquement pour les protestants et évangéliques : il y a beaucoup de catholiques charismatiques autour d’eux. Mais elle doit répondre à un authentique désir et un réel effort des catholiques libérés de tout esprit d’absorption, comme les protestants doivent être libérés de tout désir de réformer les catholiques.
  • PARTAGER les grâces charismatiques à commencer par celle de la libre prière des enfants vers leur Père commun et leur même Seigneur et Sauveur.
  • NOUS REPENTIR pour le mal que nous nous sommes fait les uns aux autres dans le passé même récent et NOUS PARDONNER les uns aux autres.
  • NOUS VISITER les uns les autres, aller les uns chez les autres pour mieux nous connaître tels que nous sommes, avec un œil ouvert sur les grâces de Dieu.
  • FAIRE ENSEMBLE tout ce que nous pouvons faire ensemble mais ne pas aller au-delà de ce qui est possible, dans l’attente du développement de la quantité de choses que nous pourrons faire ensemble. Par exemple, nous pouvons et devons dialoguer ensemble avec une vraie écoute sur la place de Marie dans nos vies, mais nous ne pouvons pas à l’heure actuelle prier ensemble Marie. Nous pouvons dialoguer ensemble avec une vraie écoute sur le baptême ; mais nous ne pouvons pas ensemble enseigner et célébrer ce qui pour les uns sera un “rebaptême”. Dans ce faire ensemble, le plus urgent, c’est PROCLAMER L’ÉVANGILE aux hommes de ce temps.
  • NOUS FORMER et donc nous intéresser aux rencontres et aux sessions de formation œcuménique.
  • Par-dessus tout, entrer dans une CONVERSION PERSONNELLE ET ECCLÉSIALE dans la direction de Philippiens 2 : ”Avoir entre nous les sentiments du Christ”. Ne plus rien faire par esprit de parti ou de gloire mais, personnellement et ecclésialement, nous mettre au service des autres Églises, les supporter au sens sportif du terme, pour qu’elles grandissent à tous égards en Christ.

Ainsi, nous travaillerons réellement à l’unité du Corps du Christ, forts de l’appel et des forces que nous avons tous reçus dans l’effusion de l’Esprit Saint. Nous ne sommes pas la tête des Églises mais les pieds. Sans les pieds, ni la tête, ni le corps n’avanceront !

 

Je me permets d’ajouter à cette conclusion du pasteur Bechdolff : « qu’ils sont beaux, sur toutes les montagnes, les pieds du messager de la Bonne Nouvelle ! » (Is 52, 7). Et en continuant la relecture de ce bulletin n° 22, j’ajoute un autre point à cette série de propositions, emprunté à une longue

 

citation de l’encyclique « Ut unum sint » : il nous faut aussi PRIER !

“··· Sur la route œcuménique de l’unité, la priorité revient certainement à la prière commune … Si, malgré leurs divisions, les chrétiens savent toujours plus s’unir dans une prière commune autour du Christ, alors se développera leur conscience des limites de ce qui les divise en comparaison de ce qui les unit. S’ils se rencontrent toujours plus souvent et plus assidûment devant le Christ dans la prière, ils pourront prendre courage pour faire face à toute la douloureuse et humaine réalité des divisions, et ils se retrouveront ensemble dans la communauté de l’Église que le Christ forme sans cesse dans l’Esprit Saint, malgré toutes les faiblesses et malgré les limites humaines” (“Ut unum sint”, § 22).

 

À l’appui de ces propos, retenons encore le témoignage de Dany Choteau (catholique), du groupe Bethléem de Salleboeuf en Gironde :

Quand “Bethléem” est né, nous ignorions totalement que deux personnes évangéliques priaient de leur côté pour demander au Seigneur qu’un groupe de prière puisse naître dans leur village.

Nous ne les connaissions pas et elles ne nous ont découverts que quelques mois plus tard. Notre groupe souhaitait être œcuménique ; leur présence en signifiait la réalité. Suivant les fluctuations l’assemblée de prière est souvent composée uniquement de catholiques. De temps en temps, des anglicans, des orthodoxes et des calvinistes nous rejoignent. Pour nous il est impératif, si nous voulons rester accueillants aux diverses Églises, de rester attentifs à certains gestes. Ainsi, nous avons évité de centrer le groupe de prière sur le tabernacle. Nous veillons aussi au contenu des chants : qu’ils soient bibliques quand ils parlent de Marie. Dans la prière commune, nous avons découvert des accents différents suivant nos Églises. Nous nous sommes enrichis de la conviction forte des évangéliques nous invitant à proclamer “Christ notre rédempteur”. Avec les protestants, nous avons partagé le goût de lire la Bible, d’écouter à travers un texte d’autres textes.

Vivre l’œcuménisme, c’est pour nous, oser la confrontation.

En dehors du groupe de prière, il nous arrive de nous interpeller : “Tes amis ont des croyances bien dépassées, me disait une sœur protestante, ils parlent de l’Immaculée Conception”. J’ai éclaté de rire et affirmé que je faisais partie de ces “brontosaures” de la foi. Par la suite, à partir de ce respect qui nous lie, nous avons échangé, écouté nos différences, et surtout nous avons accepté de nous émerveiller de ce qui, pour l’autre, est beau dans Marie. Ainsi, j’ai été amenée à approfondir l’enseignement de mon Église, contemplant cette femme mise à part dans l’histoire de l’humanité, pleine de grâce, toute accueil à l’Esprit Saint et j’écoutais l’approche de mon amie admirant cette femme si proche de nous, pleinement femme, accomplie dans son “oui”.

Nous sommes devenus plus libres, plus fraternels les uns avec les autres. Ainsi, à l’appel d’une protestante, nous nous sommes retrouvés dans une église pour prier pendant l’opération d’une amie commune. Nos liens nous permettent aussi d’animer avec le doyenné la prière pour l’unité. Les prêtres nous font confiance dans la mesure où ces liens entraînent un approfondissement de la connaissance de nos propres Églises, où nous nous invitons à dépasser nos peurs de l’autre el le simplisme du “de toute façon, c’est le même Seigneur”.

Dany Choteau, catholique

 

“Garder une conception de l’unité qui tienne compte de toutes les exigences de la vérité révélée, cela ne signifie pas que l’on mette un frein au mouvement œcuménique. Au contraire, cela veut dire qu’on lui évite de s’accommoder de semblants de solutions qui n’aboutiraient à rien de stable ou de solide. L’exigence de la vérité doit aller jusqu’au bout. N’est-ce pas la loi de l’Évangile ?” (“Ut unum sit, § 79).

 

 

Pour aller plus loin en noyau :

  • Si ce n’est pas déjà le cas, souhaitez-vous partager votre prière avec des frères et sœurs d’autres Églises ? Et si oui, en prenez-vous les moyens ?
    • L’adoration eucharistique fait-elle partie de votre temps de prière ou la vivez-vous à d’autres moments ?
    • Prenez-vous du temps pour connaître les autres Églises : week-end de formation, grands rassemblements, partage ?…
    • Participez-vous à des temps de prière initiés par d’autres Églises ?
    • Quelle place votre groupe donne-t-elle à Marie ?

 

[1]Trois mille participants, plus de 100 pays représentés, pas moins de 6 confessions chrétiennes différentes…

[2] Grand artisan de l’oecuménisme, le pasteur Bechdolff est décédé en octobre 1998, juste après le rassemblement au stade Charlety, qui a marqué les mémoires entre autres avec l’échange de bibles entre les participants.

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