Comment Marie m’a conduit à son Fils Jésus

Je ne la supportais pas ! Témoignage de Claude Turck

Marie était là et je ne le savais pas

« Elle » était partout, dans les taxis, les autobus, les usines…

Au sanctuaire de la Villa1, j’étais horrifié de voir des files d’Indiens, les genoux ensanglantés, se traînant jusqu’à la basilique pour adorer l’icône de la Vierge. J’y voyais un horrible mélange de fétichisme et de superstition…

J’ai vécu longtemps au Mexique. J’y suis parti, en 1970, dans le cadre d’un mémoire de fin d’études d’attaché de presse. Le sujet était : « Les relations franco-mexicaines depuis l’indépendance du Mexique (1826) à la visite du général De Gaulle (1964) ».

Des relations passionnantes et tumultueuses.

Peu à peu, a grandi en moi une passion pour ce pays et ses habitants.

Du coup, je ne suis pas rentré en France et suis resté de nombreuses années au Mexique.

Il me restait 20 centimes de pesos en poche quand, heureusement, j’ai été embauché comme professeur à l’Alliance Française de Mexico. Après deux ans d’enseignement du français et de la civilisation française, des ingénieurs, que j’avais comme élèves, m’ont proposé d’intégrer l’IMMECA (Institut Mexicain de Contrôle de Qualité) qu’ils venaient de créer, en me confiant la direction de leur organe de presse « Sistemas de Calidad ». Je me suis lancé à fond dans cette aventure en découvrant tout du « principe de qualité » des produits et services…

À travers les contacts que je prenais, j’étais très sollicité et me suis laissé entraîner à diverses reprises dans des défis enthousiasmants, et sans doute parfois inconsidérés.

Ainsi, la création de ma propre entreprise de communication avec des collaborateurs de haut niveau ; l’acceptation de rejoindre la deuxième agence de publicité du Mexique en tant que directeur de la communication ; puis de devenir le directeur de la formation du premier groupe immobilier mexicain, client de l’agence de pub ; enfin, le lancement d’un méga projet, permettant aux Mexicains de voyager à travers le monde, à des prix défiant toute concurrence… Et ça marchait ! En à peine deux mois après le lancement, accompagné par une grande campagne de pub dans les médias, nous avions déjà trois mille membres.

C’était sans compter sur une certaine catégorie professionnelle de gens, qui n’ayant pas obtenu des conditions aussi intéressantes pour leurs clients, se sont ligués contre nous avec véhémence, et nos principaux contractants ont fini par nous lâcher… J’ai fait face, je les ai rencontrés. Je me disais que si nous avions obtenu des conditions très intéressantes, pourquoi eux ne pourraient-ils pas en obtenir autant ? Je ne faisais pas le poids. Mes deux principaux associés avaient fui. Mon avocat me disait : « Claude, c’est inutile tu ne pourras pas les convaincre : il veulent ta peau. »

Mon enthousiasme, je l’ai compris bien plus tard, provoquait en moi une cécité accompagnée d’une grande naïveté.

Mes premières années au Mexique, je fréquentais avec assiduité « La parroquia Francesa del Christo resucitado ». Je me sentais bien accueilli dans cette paroisse de Mexico. J’avais fait la connaissance de Fernando, un séminariste mexicain, qui avait poursuivi ses études en France et avec lui j’ai rencontré de superbes familles chrétiennes. Il m’a emmené dans les « favelas » autour de Mexico, où j’ai rencontré une communauté religieuse (franco-mexicaine) de jeunes, engagés dans ces quartiers pauvres. J’étais très interpellé et séduit par leur accueil, leur simplicité et leur joie de vivre.

J’avais beaucoup d’amis mexicains. On m’a parfois reproché de ne pas fréquenter la communauté française. Cela ne me disait rien. Leurs critiques récurrentes contre ce pays et ses habitants provoquaient en moi une allergie. J’avais une farouche volonté de m’intégrer. À tel point que j’ai demandé la nationalité mexicaine qui, après 5 ans, m’a été accordée.

J’ai parcouru le Mexique du nord au sud, et d’est en ouest. Un immense pays de quelque 2 millions de km². Des régions fascinantes, diverses et riches. Je me disais : ce pays ne devrait pas avoir de problèmes, il a tout : l’or, l’argent, le pétrole, les minerais rares, de grandes forêts tropicales, et des massifs forestiers montagneux, tous les fruits du monde, tout y pousse ; plus de 10 000 km de côtes poissonneuses, des vestiges précolombiens d’une inestimable richesse… Alors ?

Le président Porfirio Diaz (1884) disait : « Pauvre Mexique, si loin de Dieu et si proche des États-Unis ». Les Mexicains racontent que quand Dieu créa le monde, Il créa le Mexique. Un de ses anges gestionnaires lui dit : « tu ne crois pas que tu leur donnes trop ? Regarde toutes les ressources qu’ils ont, ce n’est pas juste par rapport à d’autres pays ! » et Dieu de répondre : « Oui, mais je vais y mettre les Mexicains ». Ils ont le sens de l’autodérision !

Je me suis marié à une Mexicaine. Mariage célébré à l’Église, dans l’un des quartiers chics de Mexico. Un an après naissait ma fille aînée. Comme tout ce que j’entreprenais, j’y croyais dur comme fer, mais ça n’a pas marché ! Nous avons divorcé2. J’étais loin, paumé, et je ne comprenais pas.

L’ancienne et la nouvelle basilique de N.D. de Guadalupe

Peu à peu, je me suis éloigné de l’Église… Je me suis laissé complètement submerger par mes activités professionnelles. Je voyais, chez beaucoup de mexicains une grande dévotion mariale qui m’irritait. On appelle la Vierge de la Guadalupe « l’icône des métis ». Je me refusais à accepter ce que je voyais comme un mélange de foi chrétienne, de paganisme et de superstition. Des comportements me choquaient autour de cette omniprésence de la Vierge. Cela me paraissait exagéré. Alors, j’en ai pris mon parti : “Après tout c’est leur affaire, ça les regarde, mais cela ne me concerne pas”. Oui, je trouvais amusant les crânes en sucre que l’on mangeait le jour des morts, les repas « festifs » sur les tombes, les danses autour des étendards mariaux… Quant à la « Virgen de la Guadalupe » qui envahissait tout, elle me laissait finalement indifférent.

Quand je me suis trouvé sur le parvis des deux basiliques, j’étais agacé par le comportement de certains et j’avais bien envie d’en saisir quelques-uns par les épaules, de les relever et de leur dire « Que hacen ? Es ridiculo ! Levantese » (qu’est-ce que vous faites, c’est ridicule, levez-vous). Je ne l’aurais pas fait : paradoxalement, je ressentais un mélange de pitié et de compassion.

Quelques années après, je rencontrais ma nouvelle épouse et deux autres enfants sont nés au Mexique.

De retour en France

Au Mexique, ma situation avait empiré. J’étais dépassé par une situation économique désastreuse. Poursuivi par des personnes malveillantes, j’ai été littéralement exfiltré par mon avocat qui m’a conduit jusque dans l’avion… Je laissais chez ma belle-mère femme et enfants : je ressentais une profonde douleur mêlée à un sentiment de totale impuissance.

Je devais avoir une drôle de tête dans l’avion pour que l’hôtesse de l’air, avec beaucoup de douceur, vienne me parler, me propose de m’allonger en travers sur trois sièges disponibles, pour me border avec les couvertures de la compagnie aérienne.

J’ai eu alors le souvenir de Maman venant me border enfant dans mon lit en me donnant un bisou. Je repensais à mon enfance, à la douceur de Maman nous racontant, à mon frère et moi, l’histoire de Jésus à travers deux beaux livres de « La Miche de Pain ». C’était loin tout ça ! Nous étions à Hong Kong, j’avais 9 ans… et moi maintenant, seul, face à l’inconnu de mon devenir.

Je venais de passer plus de douze ans au Mexique. Je quittais, malgré moi, un pays que j’aime, où je me sentais chez moi. Un pays où j’ai tout découvert : mon premier vrai boulot ; des relations humaines nouvelles et pleines ; l’amour dont la réalité m’échappait et me dépassait ; de grandes familles de la bourgeoisie mexicaine et l’extrême pauvreté des périphéries ; la soif de connaître, de découvrir, d’expérimenter, d’aller de l’avant. Mais aussi, la rancœur que j’éprouvais pour la première fois. Et, en même temps, la conviction que ce n’était qu’un mauvais passage.

Dans l’avion qui s’envolait ce soir-là vers la France j’avais le sentiment d’avoir tout perdu.

Mes parents m’ont accueilli les bras ouverts, sans me poser de questions, simplement en fils retrouvé. Je n’étais pas fier, triste et désemparé : en échange, je recevais leur affection.

Un jour, errant dans Paris, je suis rentré dans Notre-Dame. J’ai toujours beaucoup aimé les cathédrales et me souvenais d’un pèlerinage étudiant à Chartres.

Quelle n’a pas été ma surprise en entrant d’y trouver une grande icône de la Vierge de Guadalupe ! Alors, j’ai crié vers elle : « Tu me poursuis jusqu’ici, c’est pas possible !  En tout cas, si tu peux quelque chose, fais-le car je suis dans la m…. ! » Je suis parti, désappointé, troublé et très perturbé.

Quelque temps après, je trouvais un appartement et un travail.

Puis, j’ai eu dans le cœur de rencontrer le prêtre de la paroisse où j’habitais. Je me suis senti accueilli. Il m’a présenté à quelques paroissiens et notamment une famille qui m’a beaucoup aidé.

Je renouais peu à peu avec la pratique religieuse, jusqu’à préparer et animer des messes.

Un an après mon retour, mon épouse et mes deux enfants arrivaient en France. Une grande joie et un profond soulagement ! Quelque temps après, naissait mon quatrième enfant.

Les années ont passé, et un jour, je recevais une invitation de la Communauté du Chemin Neuf pour participer à une session au mois de juillet à la maison forte de Montagnieu près de Bourgoin-Jallieu. Fortement interpellé par les témoignages que j’entendais lors d’une réunion de présentation, dans mon cœur je disais : Moi aussi, je veux ça, je veux avoir le courage, comme ces personnes que j’écoutais, de dire ce qu’a été ma vie, de ne pas avoir peur…

Je décidais alors d’aller à cette session. Après tout, je n’avais rien à perdre.

Le Seigneur m’y attendait : Jésus est venu à ma rencontre !

Ce fut un moment fondateur qui a bouleversé ma vie. Un retournement, oui, une conversion.

Depuis ce temps-là, je n’ai eu de cesse de vouloir connaître davantage ce Jésus qui s’était révélé à moi. Ainsi, il y eu dans ma vie un « avant » et un « après ».

Ce soir là, le mercredi 27 juillet 1989, un frère de la communauté, après un enseignement sur la tendresse de Dieu qui m’avait fait frissonner, nous dit au micro : Si tu veux donner ta vie à Jésus, avance-toi, nous pouvons prier sur toi.

J’étais comme paralysé, incapable de bouger. Finalement, je suis tombé à genoux au milieu de l’assemblée, là où j’étais.

J’entendais des murmures, des chants… Au bout d’un moment, des personnes se sont approchées de moi et m’ont demandé : « Veux tu que l’on prie sur toi ? ». « Oui ! ». Ils ont imposé les mains sur moi. Ils ont prié en langues… Puis, j’ai entendu l’un d’entre eux qui disait :

« Toi que j’ai tenu depuis les extrémités de la terre, toi que depuis ses limites j’ai appelé, toi à qui j’ai dit : Tu es mon serviteur, je t’ai choisi et non pas rejeté, ne crains pas car je suis avec toi, n’aie pas ce regard anxieux, car je suis ton Dieu. Je te rends robuste, oui, je t’aide, oui, je te soutiens par ma droite qui fait justice. » (Is 41, 9-10)

J’ai ressenti une chaleur avec une sensation de douceur m’envahir…

Ce n’est que six mois après, en faisant mémoire de ce jour, que je me suis rendu compte que c’était le jour de mon anniversaire. Personne ne me l’avait souhaité ; le seul, oui, Jésus !

Les mois ont passé, j’avais rejoint un groupe de prière, lu beaucoup de livres édifiants sur Jésus et le Renouveau, poursuivi des études de théologie à la Catho… Un jour, une amie mexicaine à qui j’avais rendu de menus services, m’invita à déjeuner et me remit un cadeau. En ouvrant l’étui qu’elle me donnait je trouvais une médaille de la Vierge de Guadalupe ! « Comment savais-tu ?» lui demandais-je, « Ben quoi », me dit-elle, « je sais que tu es chrétien et j’ai pensé qu’une petite croix te ferait plaisir ! » Alors, je lui montre la médaille et elle me dit : « Oh, excuse-moi ! Je me suis trompée ! », « Non », lui dis-je, « c’est cette médaille que tu devais me donner ! »

Dans ma tête, cela n’a fait qu’un tour, je comprenais que Marie, sous le nom de Notre-Dame de Guadalupe, Reine du Mexique, Impératrice des Amériques3, avait été là toutes ces années et je ne le savais pas.

Je suis retourné au Mexique, au sanctuaire de la Villa. J’étais émerveillé par ce peuple de Dieu qui chantait ce chant magnifique de la « Guadalupana4 », par la beauté de l’image de la Vierge imprimée sur le « tilma5 » de Juan Diego et la douceur du regard de Marie ! Mon regard aussi avait changé !

Oui, Marie a entendu mon cri à Notre-Dame, elle m’a pris par la main pour me conduire, avec une grande douceur, vers son Fils Jésus !

Claude Turck

1La Villa (prononcer Via) est le sanctuaire de N.-D. de Guadalupe, sur le lieu des apparitions à Juan Diego, situé au nord de la ville de Mexico.

2 Depuis la France, bien des années après, la nullité de mon mariage a été reconnue.

3Instituée par Saint Jean-Paul II au Jubilé de l’an 2000.

5« Tilma » tablier en toile de jute.

3 Commentaires

  1. Merci Claude. Mon frère part au Mexique fin avril, pour quelques mois, et je lui transmets ton témoignage et le confie à Notre-Dame de Guadalupe
    Christine.

    • Que le voyage de ton frère soit plein de belles découvertes dans ce beau pays. Qu’il aille à la “Villa” voire ce doux visage de Marie.
      Amitiés.
      Claude

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